
Essai de Maï Nguyen: la guerre racontée par une enfant
Le Journal de Montréal
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, le Québec a connu plusieurs vagues migratoires. Ces immigrants arrivaient au pays non pas pour des raisons économiques, mais pour fuir la guerre.
Après le renversement du gouvernement démocratique de Salvador Allende au Chili, en septembre 1973, des milliers de Chiliens ont fui la dictature et ils furent nombreux à venir s’installer au Québec, imprégnant ainsi une touche de latinité à notre idiosyncrasie nord-américaine. Les Chiliens s’intégrèrent rapidement en apprenant le français.
En 1975, le Québec connut une autre vague migratoire avec l’arrivée de ceux qu’on a appelés les «Boat People». Avec la victoire du Vietnam du Nord et la chute de Saïgon, des milliers de Vietnamiens du sud ont pris panique et ont abandonné leur patrie. Plusieurs d’entre eux sont venus s’installer au Québec. Ces nouveaux arrivants purent s’intégrer rapidement eux aussi.
On connaît tous l’histoire plus que sympathique de l’écrivaine Kim Thuy. Voici maintenant celle de Maï Nguyen, la benjamine d’une famille de huit enfants, dont le père et la mère sont nés au Vietnam du Nord.
Près de 50 ans plus tard, Maï essaie de se rappeler, acceptant, comme elle dit, la subjectivité de ses souvenirs et appelant à la rescousse la mémoire de ses frères. Car elle entend écrire un livre apolitique qui ne blâme ni «le communisme qui cherche à se débarrasser de la colonisation ni personne».
Son histoire commence quelque part en 1963.
Un premier moine bouddhiste s’immole publiquement par le feu pour protester contre la décision du président du Vietnam du Sud Ngô Dình Diêm de réprimer «par les armes toute tentative de célébration de la naissance du Bouddha». Les images de l’immolation feront le tour du monde. Jusqu’à la fin de la guerre et pour la contester, des dizaines de moines et de nonnes reproduiront son geste. La petite Maï n’a que sept ans et elle en restera marquée à jamais. Comment un être humain pouvait-il brûler sans bouger, sans crier, se demandait-elle.
Départ chaotique
On découvre petit à petit ce qu’était la vie au Sud pendant la guerre. La famille de Maï est pauvre et sa mère devra un jour vendre le chien pour joindre les deux bouts. Son grand-père, qui a participé à la guerre d’Indochine, fume de l’opium, ce qui l’éloigne des siens. Il n’a jamais pris Maï dans ses bras.
