
Sir Tim Berners-Lee : faire en sorte que le Web et l'IA « travaillent pour vous »
Le Journal de Montréal
Voici un article fort intéressant paru sur Bloomberg sur Tim Berners-Lee ni plus ni moins que l’inventeur du Web. Celui-ci penche pour une proposition radicale. Au lieu de laisser nos données en ligne à la merci des grandes plateformes technologiques et des gouvernements, nous devrions les contrôler. L'accès à notre petite partie du web ou « nuage personnel » devrait être soumis à une autorisation.
L'idée semble raisonnable en théorie, mais en pratique, c'est une lourde tâche. L’Internet d'aujourd'hui n'est pas le réseau éclatant et hétéroclite qui a vu le jour après que Berners-Lee l'a façonné pour la première fois en 1989, mais un paysage dominé par de grands groupes comme Google d'Alphabet Inc. et Facebook de Meta Platforms Inc.
Dans de nombreuses régions du monde, Facebook est l’Internet et la seule expérience que les gens ont du web. La plupart des applications fonctionnent comme des gardiens de nos données personnelles.
Berners-Lee veut inverser cette dynamique. Depuis une dizaine d'années, il observe avec une consternation croissante l'évolution du web : nous avons échangé nos données contre plus de commodité, en nous connectant aux « écosystèmes » d'Apple Inc. et de Google afin de pouvoir déplacer nos profils – pleins de détails d'identification et de centres d'intérêt – entre les clients de courriel et les navigateurs en ligne, de manière transparente.
Les plateformes insistent sur le fait qu'elles protègent toutes ces informations et respectent notre vie privée, mais Berners-Lee estime que ce n'est pas suffisant. Nos données sont éparpillées sur les serveurs du Big Tech et sur d'innombrables autres entreprises, sans que nous puissions les contrôler.
Sa réponse est un portefeuille numérique, une partie d’Internet qui stocke tout, de votre dossier médical à vos messages sur les réseaux sociaux, de votre historique d'achats à vos photos de famille. Mais, contrairement aux applications et services cloisonnés que nous utilisons aujourd'hui, les portefeuilles vous permettent de contrôler exactement qui voit quoi.
Berners-Lee travaille sur cette idée radicale depuis cinq ans par l'intermédiaire d'une jeune pousse appelée Inrupt. Dans le cadre d'un premier essai, la région belge des Flandres déploie son système de pods de données personnelles auprès de 7millions de citoyens, l'utilisant comme base pour fournir des services sociaux et partager des données de manière plus sécurisée avec les entreprises. Au début de l'année, cinq hôpitaux belges ont commencé à stocker des informations sur les visites des patients dans les pods de données, un processus qui, selon M. Berners-Lee, peut aider à se conformer au règlement général sur la protection des données (RGPD) de l'Europe.
Mais l'initiative nage à contre-courant d'une vague puissante, les assistants d'intelligence artificielle devenant nos gardiens numériques. Le Copilot de Microsoft est intégré dans Windows et Office, Google tisse Gemini dans son écosystème et Apple Intelligence a été intégré dans le système d'exploitation de l'iPhone. Ces assistants pourraient de plus en plus influencer nos choix en matière d'achats, de restaurants et d'emploi du temps.
On pourrait penser qu'un web de plus en plus piloté par l'IA et son contenu sera moins ouvert et moins libre, mais M. Berners-Lee est optimiste. « C'est tout à fait sous notre contrôle. Si vous rentrez chez vous et que vous écrivez des modèles d'IA, que vous répandez de fausses nouvelles et que vous remplissez le monde de déchets, le monde deviendra très fade. Si vous diffusez des informations erronées, elles deviendront mensongères ».
