Réduire l’inflammation pour augmenter l’espérance de vie
Le Journal de Montréal
Une importante étude récente suggère que le blocage d’une protéine pro-inflammatoire est associé à une hausse significative de l’espérance de vie en bonne santé.
On peut définir le vieillissement comme le déclin graduel des différents systèmes cellulaires impliqués dans la réparation et le maintien des fonctions corporelles (appelé homéostasie). Ce déclin est associé à une hausse exponentielle de l’ensemble des maladies chroniques qui touchent les habitants des sociétés riches (maladies cardiovasculaires, cancers, démences et diabète, en particulier) et qui sont responsables de la grande majorité des décès à des âges plus avancés.
L’inflammation chronique est l’un des principaux facteurs associés à ce déclin des fonctions cellulaires lié à l’âge et, du même coup, au développement de toutes les maladies chroniques. Autrement dit, il est possible d’influencer positivement ou négativement la vitesse du vieillissement (et de l’apparition des maladies) en modulant le degré d’inflammation chronique qui prévaut à l’intérieur du corps.
C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi le mode de vie a autant d’influence sur la longévité. Les mauvaises habitudes de vie, comme le tabagisme, le surpoids, la sédentarité, la surconsommation de nourriture et une alimentation carencée en végétaux, créent toutes des conditions pro-inflammatoires qui accélèrent le vieillissement des cellules et haussent le risque de maladies. À l’inverse, éviter les excès caloriques, faire régulièrement de l’exercice physique et maintenir un poids corporel normal diminuent l’inflammation chronique et augmentent les probabilités de vivre plus longtemps en bonne santé.
Il n’est évidemment pas possible de complètement contrôler la hausse de l’inflammation qui se produit au cours du vieillissement. À mesure que le corps vieillit, l’usure graduelle des fonctions cellulaires (instabilité génomique, raccourcissement des télomères, dysfonction des mitochondries, entre autres) cause une accumulation de protéines dysfonctionnelles et d’autres structures endommagées.
Ces molécules défectueuses sont perçues par le système immunitaire comme des intrus dangereux, comme s’il s’agissait d’une infection, et déclenchent en conséquence une réponse inflammatoire disproportionnée, susceptible de causer des dommages supplémentaires et de contribuer à la progression de maladies aussi diverses que le cancer, l’athérosclérose, les neurodégénérescences et les maladies auto-immunes. Réduire cette inflammation chronique associée au vieillissement pourrait donc avoir des répercussions énormes sur l’espérance de vie en bonne santé.
Un énorme progrès en ce sens vient d’être réalisé grâce à la découverte du rôle capital joué par une protéine, l’interleukine 11 (IL-11), dans le processus inflammatoire associé au vieillissement (1). L’action pro-inflammatoire de cette protéine est connue depuis longtemps, mais une équipe de chercheurs vient de découvrir que cette activité augmente avec l’âge et contribue au développement de plusieurs pathologies.
Ce rôle est bien mis en évidence chez des animaux qui ont été modifiés génétiquement pour ne plus produire aucune IL-11: ces animaux sont en bien meilleure santé que ceux qui continuent à produire la molécule et voient leur longévité augmenter de 25%, une hausse du même ordre que celle produite par la rapamycine, une molécule ayant une des plus fortes actions prolongévité. L’administration à des animaux adultes d’anticorps qui bloquent l’IL-11 entraîne des effets similaires, c’est-à-dire une augmentation d’environ 25% de leur longévité.
Cet effet du blocage de l’IL-11 est particulièrement intéressant dans le contexte où cette molécule joue un rôle pro-inflammatoire similaire chez les humains et que les anticorps neutralisant son action sont déjà en évaluation clinique pour le traitement de certaines pathologies inflammatoires (fibrose pulmonaire). Des études visant à examiner comment le blocage de l’IL-11 peut influencer le développement des maladies chroniques et la longévité peuvent donc être d’ores et déjà envisagées.
