
Des bactéries qui contribuent au cancer
Le Journal de Montréal
Une étude fascinante rapporte que la présence de bactéries à l’intérieur de certaines cellules cancéreuses favorise la progression du cancer et sa résistance au système immunitaire. C’est une découverte scientifique importante !
Notre corps cohabite avec un nombre incalculable de microbes et la recherche des dernières années tend à montrer que même les tumeurs en contiennent. Et ces bactéries intratumorales ne sont pas là dans un rôle de figurants : bien au contraire, les études réalisées à l’aide de modèles animaux ont en effet montré qu’elles participent activement au développement du cancer, de leur progression en métastases ainsi qu’à l’acquisition d’une résistance à la chimiothérapie. Cette contribution bactérienne est aussi à l’œuvre chez les humains, car l’analyse de tumeurs humaines a identifié des signatures microbiennes spécifiques dans au moins 33 types de cancers distincts.(1)
Invasion bactérienne
Un aspect vraiment inhabituel des bactéries tumorales est que plusieurs d’entre elles sont présentes à l’intérieur même des cellules cancéreuses et des cellules immunitaires qui composent la tumeur, un peu comme si elles avaient littéralement « infecté » ces cellules.(2)
Pour mieux comprendre ce phénomène, une équipe de chercheurs de Seattle a examiné en détail huit tumeurs prélevées auprès de patients atteints de cancer de la bouche et 19 autres de patients atteints d’un cancer colorectal (donc aux deux extrêmes du système digestif).(3)
L’analyse a révélé que la distribution des bactéries présentes dans les deux types de tumeurs était très hétérogène, c’est-à-dire qu’elles ne colonisaient que certaines zones spécifiques des tumeurs. Plus précisément, les chercheurs ont découvert que les bactéries infectaient préférentiellement les cellules épithéliales cancéreuses (les cellules qui tapissent la surface interne des organes) et stimulaient leur propension à migrer hors de la tumeur, une étape clé du processus métastatique.
Ces régions infectées montraient également des niveaux élevés de protéines connues pour jouer un rôle important dans l’immunosuppression (pour supprimer la fonction des cellules T anticancéreuses) ainsi que dans la croissance effrénée des cellules cancéreuses.
L’invasion bactérienne déclenche aussi une réponse inflammatoire qui favorise l’exclusion des cellules T, ce qui expliquerait l’absence de ces cellules immunitaires dans ces échantillons de tumeurs.
En d’autres mots, les bactéries qui vivent à l’intérieur des cellules cancéreuses peuvent favoriser la progression du cancer en stimulant leur croissance et leur dissémination sous forme de métastases ainsi qu’en empêchant le système immunitaire de tuer ces cellules transformées.
