Critique du nouveau film de Denys Arcand: un «Testament» déconcertant de lucidité
Le Journal de Montréal
La sortie d’un nouveau film de Denys Arcand est toujours un événement et Testament ne fera pas exception. Comédie satirique mordante brossant un portrait grinçant de notre société, le 15e long métrage de fiction du réalisateur du Déclin de l’empire américain ne laissera personne indifférent.
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Voici ce qu’on en a pensé en six points :
À 70 ans, Jean-Michel Bouchard (Rémy Girard) sent sa fin approcher. Dépassé par son époque et pensant souvent à la mort, il vit dans une résidence pour personnes âgées, gérée par Suzanne (Sophie Lorain), et travaille encore deux jours par semaine aux Archives nationales. Son quotidien sera chamboulé par l’arrivée d’un groupe de jeunes activistes qui exigent la destruction d’une fresque historique qu’ils jugent raciste envers les peuples autochtones et qui orne un mur de sa paisible résidence.
Fidèle à lui-même, Denys Arcand brosse un portrait ravageur de la société québécoise en mettant le doigt là où ça fait mal. Dans Testament, le réalisateur des Invasions barbares et de Jésus de Montréal se moque de la rectitude politique, de la culture de l’annulation, du manque de respect envers les aînés, des militants wokes qui veulent effacer et réécrire l’histoire et des féministes enragées, tout en écorchant avec férocité les politiciens et le monde des médias. Ce n’est pas toujours très subtil et ça frôle souvent la caricature, mais ça reste néanmoins très efficace et d’une lucidité déconcertante.
Alors que Denys Arcand nous a généralement habitués à des scénarios fluides et habilement ciselés (du Déclin de l’empire américain à La chute de l’empire américain), Testament s’éparpille un peu. Au lieu de bâtir une intrigue serrée et cohérente autour de la culture de l’annulation, le cinéaste se perd dans d’innombrables détours plus ou moins heureux, faisant feu de tout bois, et donnant parfois l’impression de pousser inutilement la provocation.
Acteur fétiche de Denys Arcand, Rémy Girard offre une performance impeccable sous les traits d’un baby-boomer dépassé par son époque et ayant perdu ses repères. Maîtrisant parfaitement le rythme des dialogues et le ton pince-sans-rire d’Arcand, l’acteur injecte une bonne dose d’humanité à ce personnage de semi-retraité désillusionné qui réussit, en fin de compte, à trouver une forme d’apaisement en trouvant l’amour. Aussi, comme c’est souvent le cas avec les films de Denys Arcand, Testament est ponctué de plusieurs caméos savoureux. Robert Lepage et Yves Jacques se révèlent particulièrement amusants sous les traits du sous-ministre de la Culture et du directeur des beaux-arts qui déplorent le manque de culture de nos politiciens.
En revanche, Denys Arcand a la main particulièrement lourde en ce qui a trait aux personnages féminins, toutes générations confondues. Clémence Desrochers (90 ans) ne sachant pas qu’une souris d’ordinateur n’est pas un téléphone, Guylaine Tremblay (62 ans) en veuve hystériquement éplorée, Caroline Néron (50 ans) en politicienne roublarde – bien que son monologue soit excellent –, Marie-Mai (39 ans) en figure de soutien vaguement maternelle, mais tarifée et enfin Sophie Lorain (65 ans) en mère monoparentale dépassée constituent une galerie de femmes tellement stéréotypées qu’elle ne suscite aucune réflexion.