Les émissions polluantes de Mines Noranda : un air de déjà vu
TVA Nouvelles
En voyant les titres déferler dans les journaux depuis quelques semaines sur la Fonderie Horne, l’impression de déjà vu m’est apparue comme une triste évidence. Je dis bien triste évidence, car ce n’est pas la première fois que les citoyennes et les citoyens de Rouyn-Noranda doivent lutter contre les émissions polluantes de la fonderie de Mines Noranda.
Comme le révèlent bien les sources qui se trouvent dans le fonds du Comité permanent sur l’environnement à Rouyn-Noranda (P229), la pollution minière dans cette région, qui est le sujet de ma thèse de doctorat, est une réalité bien connue, voire même bien documentée, depuis la fin des années 1970.
En effet, dès 1975, les Services de protection de l’environnement (SPE) (ancêtre du ministère de l’Environnement) font publier un rapport alarmant sur les plusieurs centaines de tonnes de polluants qui sont rejetées par les cheminées de la fonderie chaque année. Plomb, zinc, arsenic, cadmium et dioxyde de soufre (gaz qui est alors tenu responsable des pluies acides en Amérique du Nord) sont inhalés au quotidien par la population de Rouyn-Noranda.
En 1977, Marcel Léger, qui est alors ministre délégué à l’Environnement, retient d’ailleurs en priorité la région de Rouyn-Noranda pour une étude sur l’état de contamination du milieu, étude qui est alors réalisée par le Bureau d’étude sur les substances toxiques (BEST). Le ministre crée également le Comité permanent sur l’environnement à Rouyn-Noranda (CPERN), comité formé de divers membres issus de la communauté, qui une fois son mandat terminé auprès du gouvernement, devient l’un des acteurs les plus proactifs de la lutte contre la pollution en Abitibi-Témiscamingue.
S’appuyant sur les conclusions du rapport Écologie Rouyn-Noranda du BEST qui décrit la région de Rouyn-Noranda comme étant gravement contaminé, par « une mauvaise gestion des déchets miniers, notamment de la part de Noranda Mines Ltd. », le CPERN fait des émissions polluantes de la Fonderie Horne son principal cheval de bataille. À l’époque, ce sont toutefois les rejets de dioxyde de soufre qui retiennent l’attention. Dépassements fréquents de la norme horaire et émissions annuelles huit fois plus importantes que celles de l’ensemble de la communauté urbaine de Montréal selon les SPE, le dioxyde de soufre abîme sur une base régulière la peinture des voitures, le mobilier urbain, les arbres, les pelouses et les potagers des résidents des villes-sœurs.
Le CPERN fait alors pression pour que le gouvernement du Québec oblige la compagnie à réduire de 80% ses émissions sulfureuses d’ici à l’an 1990. Lorsque le gouvernement décide de forcer la fonderie à se moderniser en optant pour la construction d’une usine d’acide sulfurique, il adopte néanmoins une position plus conciliante envers la compagnie exigeant de cette dernière une réduction de l’ordre de 50% de ses émissions.
Mines Noranda agite alors l’épouvantail de sa fermeture, mentionnant qu’elle n’a pas les moyens financiers pour procéder à sa modernisation. Des négociations avec les gouvernements provincial et fédéral s’en suivent et une entente est conclue. Les deux paliers gouvernementaux offrent un prêt de 40 millions chacun à Mines Noranda Ltd. pour financer la construction de son usine d’acide sulfurique et, par le fait même, la réduction de ses émissions de dioxyde de soufre.
Mais, scandale, les articles de Louis-Gilles Francoeur parus dans Le Devoir du 10 et 11 mai 1988 révèlent que les prêts gouvernementaux fédéral et provincial consentis à la compagnie sont en réalité des subventions déguisées, puisque la compagnie peut déduire des remboursements de ses prêts une grande partie de ses investissements faits au Québec. Le CPERN dénonce vertement la situation dans une lettre qui paraît dans Le Devoir du 25 mai 1988. Le comité affirme alors : « Il est injuste que la collectivité québécoise paie la totalité de la note de cette usine, et que la Noranda, multinationale prospère, s’en tire à si peu de frais ».
Déjà vu donc? Qui paiera pour la refonte des installations de la Fonderie Horne dans la prochaine décennie? Les Québécoises et les Québécois encore une fois? Les Québécoises et les Québécois qui paient déjà les frais de santé pour tous les malades de la Fonderie Horne qui pollue l’environnement abitibien depuis bientôt 100 ans? Les résidentes et les résidents de Rouyn-Noranda qui subissent depuis de trop nombreuses années les conséquences de décisions gouvernementales laxistes, comme s’ils étaient des citoyennes et des citoyens de seconde zone? Si non comment expliquer l’inertie gouvernementale vis-à-vis de Mines Noranda?
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