
Dodge La Femme 1955-56 : comme son nom l’indique
Le Journal de Montréal
Dans les années 50, que ce soit au niveau de la conception technique, du style, de la vente et de qui achète, l’automobile est une histoire d’hommes. Dodge s’est dit qu’il y avait peut-être là une opportunité. Mais avec quels résultats?
Le millésime 1955 est extrêmement important pour la compagnie Chrysler, et ce pour de multiples raisons : la nouvelle marque Imperial est introduite, l’iconique Chrysler 300 fait son apparition et toutes les marques reçoivent de nouvelles lignes. Après des années de retard en matière de style (voir photo du modèle Dodge 1954 ci-dessous), la direction se décide enfin de confier le design des gammes 1955 à Virgil Exner. Celui-ci est passé par les studios de Pontiac et de Studebaker avant de rejoindre Chrysler en 1949. Initialement, il ne travaille que sur les véhicules concepts. Mais devant la charge que mène GM, il reçoit finalement début 1952 la responsabilité du style de tous les modèles 1955. Il va établir les grandes lignes pour les cinq marques de la compagnie (Plymouth, Dodge, DeSoto, Chrysler et Imperial) et travailler personnellement sur les trois situées en moyenne/haute gamme. Le style final sera nommé « Forward Look » par l’agence de publicité McCann Erickson. Chrysler l’annoncera dans ses brochures comme « The 100 million dollar look » (le style de 100 millions de dollars), somme qu’aurait coûté le développement de ces nouvelles lignes.
C’est Maury Baldwin qui sera en charge du design des gammes Plymouth et Dodge. Pour cette dernière, l’empattement est unifié à 120 pouces (3,05 m) contre 119 pour les 4 portes et 114 pour les 2 portes en 1954. Le V8, introduit en 1953 avec une cylindrée de 241,3 pouces cubes (4 litres), est réalésé et passe à 270,1 pc (4,4 litres). Il est disponible en 3 configurations : carburateur 2 corps avec échappement simple (Red Ram de 175 chevaux ou Super Red Ram de 183 chevaux) et carburateur 4 corps avec échappement double (Super Red Ram avec Power-Pac de 193 chevaux). Un 6 cylindres de 230,2 pc (3,8 litres) développant 123 chevaux est également proposé. La boîte de vitesses de série est une 3 rapports manuelle alors qu’un overdrive est offert ainsi qu’une automatique à 2 rapports Powerflite.
Par rapport à 1954, la gamme a été revue. La finition d’entrée de gamme Meadowbrook disparaît et ce sont dorénavant les Coronet (en 6 cylindres ou V8) qui jouent ce rôle. Viennent ensuite les Royal et Custom Royal (uniquement avec un V8). Mais ce sont des noms de modèles américains. Au Canada, la gamme comprend les Mayfair, Regent et Cruisader. Il existe des carrosseries 2 et 4 portes à poteau, des familiales (Suburban avec les Coronet V8 et Sierra avec les Royal) ainsi que des coupés hardtop (Coronet, Royal et Custom Royal) et cabriolet (Custom Royal) qui portent la dénomination Lancer. Et c’est la Custom Royal Lancer coupé qui va plus particulièrement nous intéresser.
C’est en 1954 que Chrysler dévoile deux concepts basés sur la New Yorker DeLuxe Newport et incluant la partie supérieure du toit transparente. Baptisés La Comtesse (en photo ci-dessous) et Le Comte, en français dans le texte, ils se distinguaient par leur choix de couleur, la forme de la vitre arrière et certaines finitions chromées. La Comtesse, destinée à la gent féminine, recevait une peinture rose avec un toit gris ainsi qu’un intérieur en cuir crème et rose. La Le Comte, dessinée pour les hommes, bénéficie d'une peinture bronze avec un toit noir. La même combinaison de couleurs est utilisée à l’intérieur. Les deux concepts font le tour des salons et semblent avoir créé suffisamment de réactions positives pour que la compagnie veuille adopter l’idée pour une production en série.
Curieusement, c’est Dodge qui va hériter du projet. La gamme 1955 est présentée le 17 novembre 1954 mais il faudra attendre un mois de plus pour qu’apparaissent les Custom Royal Lancer. C’est le 17 janvier 1955, au Salon de l’auto de New York, qu’est dévoilé le concept La Femme, basé sur le coupé Custom Royal Lancer. Chrysler teste une dernière fois la réaction du public avant de lancer le modèle de série au printemps 1955. En fait, il ne s’agit pas d’un modèle à part entière mais plutôt d’un ensemble optionnel facturé 143 USD en plus des 2 518 dollars demandés pour le coupé hardtop. En parcourant les catalogues canadiens, il semble que cette option n’ait jamais été proposée chez nous.
Un catalogue spécifique est édité pour la La Femme et explique à l’intérieur : « Jamais une voiture plus féminine que La Femme… la première voiture créée exclusivement pour les femmes! Dans cette voiture au design superbe, Dodge allie intérieurs luxueux aux tons délicats et finitions ultras tendance… chaque touche sophistiquée que votre cœur pourrait désirer! Voici véritablement le nec plus ultra de l’automobile. » La barre semble avoir été placée haut mais qu’obteniez-vous en choisissant cette option? À l’extérieur, la peinture deux tons combine le rose et le blanc et des écussons « La Femme » dorés sont logés sur les ailes avant. À l’intérieur, les deux mêmes couleurs dominent alors que la planche de bord mélange le rose et le noir. La sellerie exclusive rose se retrouve sur les sièges et les contre-portes. Sur les dossiers arrière des sièges, deux poches sont installées. Celle derrière le conducteur contient un chapeau de pluie, une cape et un parapluie. Derrière le siège passager, c’est un sac en cuir rose (fabriqué par la compagnie Evans) comprenant un peigne, un briquet, un porte-cigarettes, un porte-monnaie et un fond de teint qui prend place. Vous avouerez que c’est un peu juste…
