La corruption menace les pêcheries du monde
Radio-Canada
En tant que ministre indonésien des Pêches, Edhy Prabowo a été chargé de protéger l'une des ressources les plus précieuses de son pays : les bébés homards, si petits qu'ils peuvent tenir sur le bout d'un doigt.
Les eaux au large des nombreuses îles et nombreux archipels du pays regorgeaient autrefois de homards. Mais la surpêche des dernières décennies a décimé la population de ce crustacé, à tel point que les pêcheurs se sont mis à attraper les petits.
Ils les ramassent par milliers et les expédient vers des élevages de homards vietnamiens, où les bébés sont élevés jusqu'à l'âge adulte et vendus principalement à des revendeurs en Chine pour répondre à son énorme demande de fruits de mer.
Inquiet que ces prélèvements nuisent aux populations de homards, le ministère indonésien des Pêches a interdit en 2016 l'exportation de ces minuscules crustacés.
Peu après son entrée en fonction, Prabowo a levé l'interdiction. Des documents judiciaires montrent qu'à peine un mois plus tard, en juin 2020, le ministre a accepté un pot-de-vin de 77 000 dollars américains d'un fournisseur de fruits de mer pour lui accorder un permis de vendre les larves à l'étranger.
L'argent a continué à couler à flots. Durant son court passage en tant que ministre, Prabowo a accepté des pots-de-vin de près de 2 millions de dollars américains.
Il a été arrêté en 2020 par les autorités indonésiennes, après avoir utilisé le pot-de-vin pour acheter 26 vélos de route, des vêtements pour enfants Old Navy, des sacs Louis Vuitton, des montres Rolex et deux stylos de luxe. Prabowo, 50 ans, a été condamné à cinq ans de prison pour corruption. Son avocat s'est refusé à tout commentaire.
Le cas de Prabowo n'est pas une aberration. Il est emblématique de la corruption qui sévit dans des dizaines de pays côtiers en développement qui jouent un rôle clé dans la gestion de certaines des zones de pêche les plus menacées au monde, selon des experts et un examen des dossiers criminels et des rapports des médias par l'Associated press.
Selon l'AP, au moins 45 responsables gouvernementaux ont été accusés de corruption au cours des deux dernières décennies. Les allégations vont de hauts fonctionnaires comme Prabowo acceptant de gros paiements de la part de sociétés de pêche pour obtenir des contrats lucratifs à des fonctionnaires de bas niveau acceptant quelques milliers de dollars américains pour fermer les yeux sur des pêcheurs ramenant à terre des prises illégales.