Chili : un laboratoire constitutionnel unique
Radio-Canada
SANTIAGO Chili - « Nous allons fonder un nouveau Chili : plurinational, multilingue, où les droits des femmes, le droit à la santé seront pleinement respectés », a dit la présidente initiale de l’Assemblée constituante chilienne, Elisa Loncon, une Autochtone mapuche.
Tout un programme pour un pays qui s’est souvent distingué pour son conservatisme. Et pour son économie très néo-libérale.
C’est merveilleux, c’est une expérience incroyable, qui va inspirer le monde, dit l’artiste Enrique Ramirez, qui a grandi sous la dictature du général Augusto Pinochet. Il partage aujourd’hui sa vie entre Paris et son pays natal.
Sans compter que le Chili vient d’élire un jeune président de gauche, Gabriel Boric, 35 ans, qui entrera en fonction en mars. Et qui appuie totalement le processus. Ce qui n’était pas le cas de son adversaire de droite, Jose-Antonio Kast.
Élue en mai 2021, cette assemblée est paritaire entre hommes et femmes (à un siège près). Dix-sept sièges sont réservés aux peuples autochtones. Elle discute de plein de thèmes : système politique, environnement, justice, droits sociaux. Il faut créer une constitution féministe, qui traverse tout le texte, affirme Barbara Sepulveda, avocate, une des 77 femmes membres de la Constituante.
Ça fait très longtemps qu’on dit qu’il faut changer la Constitution, mais personne n’y croyait vraiment, nous raconte Cristian Altamirano, qui a vécu 30 ans au Québec, à la suite de la dictature, avant de se réinstaller au Chili il y a 10 ans. Et puis, tout à coup, l’histoire s’est accélérée et c’est devenu possible, ajoute-t-il.
Que s’est-il passé? À l’automne de 2019, une augmentation des tarifs du métro de Santiago met le feu aux poudres. Des dizaines de milliers de Chiliens utilisent ce prétexte pour dénoncer les énormes inégalités du pays. C’est le début de l’estadillo social, l’explosion sociale qui embrase tout le Chili. Les manifestants dénoncent les déficiences structurelles des systèmes d’éducation, de retraite, de santé, qui perpétuent les inégalités.
Qu’est-ce que la Constitution a à voir avec ça? vous demandez-vous. Un des premiers articles de la Constitution énonce que l’État est un subsidiaire du secteur privé, nous dit Nibaldo Mosciatti du réseau Radio Bio-Bio, la plus grande chaîne d’information du Chili. Autrement dit, c’est comme si le secteur privé décidait de ce que l’État peut faire ou pas, selon ses besoins.
Depuis le retour de la démocratie en 1990, le Chili a eu deux présidents sociodémocrates, Ricardo Lagos et Michelle Bachelet. Ils ont tenté plusieurs réformes économiques et sociales qui se sont heurtées au mur du tribunal constitutionnel.