
Chevrolet El Camino 1959-60 : un autre genre d’hybride
Le Journal de Montréal
Au moment où arrive le El Camino sur le marché, l’idée de combiner l’avant d’une auto classique et l’arrière d’une camionnette est encore relativement nouvelle… en Amérique du Nord. Fera-t-elle long feu?
Alors que les camionnettes modernes regorgent de technologies, d’éléments de confort et sont toutes plus luxueuses les unes que les autres, il faut se rappeler qu’il y a quelques décennies de cela, elles étaient des véhicules purement utilitaires. Elles étaient caractérisées par des mécaniques archaïques, des essieux rigides et l’absence totale de fioritures. Et c’est justement pour cela que Ford Australie recevra en 1932 la lettre de la femme d’un fermier leur demandant de développer « un véhicule pour aller à l'église le dimanche et pour amener nos porcs au marché le lundi ».
C’est l’ingénieur Lewis Bandt qui réalisera la conception d'un tel véhicule sur la base de la Ford 1934 (voir photo ci-dessous). Le modèle sera introduit sous le nom de Coupe Utility et un tel type de carrosserie prendra rapidement le nom de ute « down under ». General Motors, avec sa filiale Holden, embarquera le pas. Mais c’est vraiment au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que ce type de carrosserie deviendra populaire en Australie. Comble de l’ironie morbide, Bandt sera tué en 1987 au volant du ute 1934 qu’il avait restauré en revenant du tournage d’un documentaire sur l’histoire du véhicule qu’il avait créé.
Au pays du pick-up roi, on aurait pu s’attendre à ce que l’idée de transformer une auto en un utilitaire prenne rapidement. Et pourtant non… Un certain Chuck Jordan, futur vice-président de GM responsable du design de 1986 à 1992, réalisera quelques esquisses d’un ute sur base de Chevrolet 1952 sans que cela n’aille vraiment plus loin. C’est finalement Ford qui va dégainer le premier en profitant du renouvèlement de sa gamme pour le millésime 1957. Le Ranchero est présenté le 8 décembre 1956. Pour la marque à l’ovale bleu, c’est un joli coup car, normalement, c’est la toute puissante GM qui crée et fait les tendances du marché. Chevrolet ne pourra que répliquer.
L’histoire du développement de la gamme GM 1959 mériterait un article complet à elle toute seule. Pour faire court, les designers de GM, en apercevant les nouveaux modèles Chrysler 1957 dans le stationnement d’une usine ont compris qu’ils venaient de prendre 5 ans de retard. Ils vont organiser en urgence une refonte complète des produits pour 1959 (les modèles 1958 étaient déjà gelés). Séduite par l’idée, la direction va ordonner le développement de nouveaux modèles pour les cinq divisions simultanément, du jamais vu dans l’histoire de la compagnie. C’est pour cela que la Chevrolet 1958, entièrement renouvelée, ne durera qu’un an alors que le cycle de vie traditionnel d’un modèle était de trois ans.
Si tout ce qui se voit est nouveau sur les Chevrolet 1959, le châssis séparé en X restera le même qu’en 1958 mais avec un empattement allongé de 117,5 à 119 pouces (2,98 m et 3,02 m). Les Chevrolet 1959, même les El Camino, sont équipées de ressorts hélicoïdaux aux 4 roues. La direction est à recirculation de billes.
Côté style, les designers vont développer des ailes arrière horizontales qui seront si compliquées à industrialiser que les ingénieurs de Fisher Body, en charge de la production, tenteront de les faire changer… heureusement sans succès. La calandre avant utilise des inserts qui font écho aux feux arrière en amande. L’une des particularités du El Camino, c’est l’immense vitre arrière inclinée, inspirée de celle des modèles hardtop (voir photo ci-dessous). Grâce au non moins immense parebrise panoramique et à de fins montants, la surface vitrée atteint 2,66 mètres carrés pour une visibilité maximale.
