Le gouvernement Trudeau dépense-t-il trop?
Radio-Canada
Il y a un peu plus d’un an encore, Justin Trudeau et quantité d’autres acteurs économiques et politiques du monde affirmaient qu’il était tout à fait convenable d’emprunter massivement pour aider la population et investir dans l’économie de demain. Les taux d’intérêt étaient proches de zéro et l’endettement était considéré comme un levier puissant pour stimuler la croissance. Ce temps est révolu, mais la ministre Freeland a-t-elle reçu le message?
Il n’est plus possible de considérer l’endettement comme un choix politique raisonnable, avec les taux d’intérêt qui ont fortement augmenté au cours de la dernière année. Pourtant, à un moment où de nombreux analystes réclament une réduction importante de la croissance des dépenses à Ottawa, le gouvernement Trudeau vient d’annoncer pour 43 milliards de dollars de nouvelles initiatives au cours des six prochaines années dans le budget présenté mardi dernier.
Les déficits prévus seront plus importants que projetés dans l’énoncé économique de novembre. Le dernier budget prévoit 175 milliards de dollars de déficits d’ici 2027-2028, alors que l’énoncé projetait un déficit net de 106 milliards de dollars avec un retour à des surplus en 2027-2028.
La dette fédérale va augmenter de 40 milliards de dollars cette année pour atteindre 1221 milliards. Elle était à 721 milliards au début de la pandémie. Depuis, la hausse est de 500 milliards très exactement, soit de 69 %.
Toutefois, ce sont surtout les frais de la dette publique qui augmentent rapidement. Ils sont passés de 24,5 milliards en 2021-2022 à 34,5 milliards en 2022-23. Ils atteindront presque 44 milliards en 2023-24. C’est une hausse phénoménale de 79 % en deux ans seulement. Et force est de constater que la hausse des frais représente une bonne partie du déficit budgétaire.
La dette du Canada, faut-il le rappeler, est parmi les plus basses du monde. Et la situation financière du pays est stable, pour reprendre le mot choisi par la ministre des Finances Chrystia Freeland en entrevue à Zone économie mardi soir. De plus, rien ne semble pouvoir ébranler la cote de AAA du Canada donnée par les agences de notation.
N’empêche, des économistes commencent à s’interroger sur la soutenabilité de cette dette. Et la ministre ne peut pas dire que son budget est prudent alors que les dépenses de programmes seront de 51 % plus élevées en 2028 par rapport au niveau d’avant-pandémie, affirme Derek Holt, économiste à la Banque Scotia, dans une entrevue accordée à BNN Bloomberg.
Grosses dépenses, gros déficits, grosse dette, impôts élevés, inflation élevée et défis dans le marché obligataire ne nous mènent pas à la prospérité, dit-il. Son jugement est sévère sur l’ampleur du déficit et de la dette. Le problème porte davantage sur la trajectoire et la gestion de l’endettement par le gouvernement Trudeau, compte tenu de l’effet sur les frais de la dette.
En fait, on se demande bien ce qui s’est passé en quelques mois à peine pour qu’à Ottawa la situation budgétaire se détériore aussi rapidement. En multipliant les programmes, les transferts et les investissements, le ministère des Finances a modifié largement dans son budget du 28 mars les prévisions faites en novembre. Comme si la mise à jour de novembre n’avait jamais existé ou ne comptait tout simplement plus.