[EN IMAGES] L’Halloween au Québec racontée par les archives
Le Journal de Montréal
Les feuilles tombent, le vent devient frisquet, et les lattés aux épices d’automne sont omniprésents... le mois d’octobre est enfin de retour! Avec le raccourcissement progressif des jours, de nombreuses traditions automnales marquent la transition vers la noirceur hivernale.
Au début du régime colonial, par exemple, les premiers Français importent avec eux l’observation de la Toussaint, célébrée le 1er novembre. Cette fête catholique est l’occasion de commémorer les morts et les saints inconnus. Cette fête fut très probablement inspirée des premières traditions païennes voulant que cette période de l’année soit celle où la division entre le monde des vivants et celui des morts est la plus étroite. À l’autre extrémité des ténèbres hivernales, le Mardi gras souligne le début de la fin de cette noirceur. Au Québec, les carnavals costumés furent longtemps associés à cette fête.
Aujourd’hui, alors que la Toussaint et le Mardi gras s’éclipsent de la culture québécoise, une nouvelle fête populaire gagne en popularité, partageant pourtant certains éléments des deux premiers: l’Halloween. Certains y voient une réponse à l’américanisation de la société québécoise, d’autres y voient plutôt un effet de la transition d’une société agricole vers une société de consommation. Peu importe la raison, les collections de Bibliothèque et Archives nationales du Québec démontrent en tout cas que l’Halloween au Québec a une histoire plus ancienne qu’on serait porté à le croire!
L’Halloween (aussi épelée Hallowe’en, ou All Hallow’s Eve dans les sources) apparaît pour la première fois à l’imprimé au Québec à la fin du XVIIIe siècle. En 1793, le Quebec Magazine reprend et publie un recensement des écrits du célèbre poète écossais Robert Burns dans lequel on mentionne son poème Hallowe’en, publié en 1786. Moins d’un siècle plus tard, soit en 1884, la fête évoque déjà (pour ceux qui la célèbrent) un sentiment de nostalgie, comme en témoigne La Minerve en parlant de «l’Auld Hallowe’en».
À ses débuts au Québec, cette fête est toutefois associée aux Écossais, faisant presque office de fête patriotique (alors que la vraie fête nationale écossaise, la Saint-André, ou Saint-Andrews, est plutôt célébrée le 30 novembre). En effet, au XIXe siècle, les mentions de l’Halloween dans les périodiques francophones réfèrent surtout à la fête annuelle organisée par la Caledonian Society de Montréal, fondée en 1856 et «fréquentée par l’élite de la société écossaise». L’événement célèbre la culture écossaise sous toutes ses formes: c’est l’occasion de mettre de l’avant les danses traditionnelles d’Écosse, de proposer «[des] exercices littéraires», et même de lancer un concours pour trouver le «meilleur joueur de Musique Écossaise sur le violon».
La présence de «notabilités, politiques et autres» aux soirées d’Halloween de la Société calédonienne donne à l’événement un penchant politique. Année après année, on invite des personnages importants pour y prononcer des discours. En 1877, Sir John A. MacDonald est l’invité d’honneur, suivi dix ans plus tard de Sir Wilfrid Laurier. La présence d’invités canadiens-français, comme «notre poète national» Louis Fréchette, est d’ailleurs vue comme «un signe encourageant d’union entre les Canadiens d’origine différente».
Qui observe l’Halloween et comment on la célèbre varie entre milieux ruraux et urbains, entre publics francophones ou anglophones et, enfin, selon la géographie. En effet, sur ce dernier point, il faut se rappeler que près d’un million de Canadiens français du Québec émigrent vers les États-Unis en quête d’emplois entre 1840 et 1930. Cette nouvelle proximité avec les Américains encourage des emprunts culturels, et l’Halloween ne fait pas exception.