La guerre contre les livres bat son plein aux États-Unis
Radio-Canada
Tandis qu’un conseil scolaire du Tennessee vient d'interdire Maus, un roman graphique sur l’Holocauste, de plus en plus d’États, pour la plupart républicains, et d’autorité locales veulent contrôler davantage ce qui est disponible dans les écoles et dans les bibliothèques. Cette culture du bannissement a le vent en poupe pour « redonner, disent-ils, le contrôle de l’éducation aux parents ».
Lors de la récente campagne électorale pour pourvoir le poste de gouverneur de la Virginie, le républicain Glenn Youngkin, qui était en difficulté dans les sondages à quelques mois du déclenchement des élections, s’était trouvé un thème porteur : laisser aux parents leur droit de regard sur ce qui est enseigné dans les écoles.
Une idée louable, certes, mais qui peut prendre, selon certains, une tournure dangereuse lorsqu'elle vire à la censure et à la mise à l’index d'œuvres pourtant proposées pour faire réfléchir et, parfois, pour donner une autre vision sur certaines questions.
Ainsi, dans une de ses publicités partisanes, M. Youngkin donnait la parole à une citoyenne qui s’est longuement battue pour faire retirer des bibliothèques scolaires le livre Beloved de Toni Morrison, qui plonge le lecteur en plein cœur des réalités de l’esclavage.
Le pari de fédérer les parents autour de ce contrôle des œuvres littéraires a séduit puisque ce thème de campagne plutôt surprenant a finalement garanti en grande partie la victoire du candidat républicain pour le poste tant convoité en Virginie. Il y a donc là de quoi inspirer d’autres politiciens qui pensent que les démocrates endoctrinent les étudiants avec des idées de justice sociale et qu’il faut redonner ce contrôle aux parents coûte que coûte.
Le récent exemple de la décision d’un conseil scolaire d'Athens, au Tennessee, est éloquent. Maus, d'Art Spiegelman, dépeint la vie du père de l’auteur dans la Pologne occupée puis sa déportation à Auschwitz. Dans cette œuvre de 300 pages qui a remporté le prix Pulitzer il y a 30 ans, les nazis sont représentés en chats et les Juifs en souris (Maus, en allemand, signifie « souris »).
À cause de l’usage non nécessaire de jurons et de nudité [une case où la mère du dessinateur, qui s’est tranché les poignets, est nue], les membres de l’organisation ont voté à l’unanimité pour que ce livre soit retiré du programme d’études en art pour les élèves âgés de 13 et 14 ans.
Nous ne croyons tout simplement pas que ce travail soit un texte approprié pour nos étudiants, a déclaré le conseil scolaire du comté de McMinn en ajoutant que sa décision reflète les valeurs de la communauté. Art Spiegelman, l’auteur, a qualifié cette décision de déconcertante et a dit y voir un souffle d’autocratie et de fascisme.
Plus à l’ouest, Rob Stanbridge, un sénateur de l'État de l’Oklahoma, a récemment présenté un projet de loi qui interdirait aux bibliothèques scolaires de proposer des livres qui traitent de l'étude du sexe, des préférences sexuelles, de l'activité sexuelle, de la perversion sexuelle, des classifications basées sur le sexe, de l'identité sexuelle ou de l'identité de genre. Selon la loi proposée, ce sont encore une fois les parents qui seraient les seuls arbitres pour écarter les livres qui ne respectent pas les normes imposées.