D’itinérant à élu : le parcours inspirant d’un homme de Saint-Hyacinthe
Radio-Canada
Lors de la dernière campagne électorale municipale, je me suis rendue à Saint-Hyacinthe pour interviewer les candidats à la mairie. Au centre-ville, près du marché public, un homme posait des pancartes, visiblement en campagne électorale lui aussi.
En me voyant avec mon micro à la main, il me dit : Moi, je suis un ancien itinérant, puis maintenant, je suis conseiller municipal. Vous aimez ça, vous, les médias, ce genre d’histoires-là! Si tu veux en savoir plus, va voir le documentaire qui a été fait sur moi. Ça s’appelle Jeannot le fou, c’est moi! C'était mon premier contact avec Jeannot Caron.
Intriguée, j’ai visionné ce documentaire réalisé il y a 15 ans par deux étudiants. C'était au début des années 2000. Les images montrent un homme au début de la quarantaine, cheveux longs ébouriffés, qui installe un campement de fortune sur les rives de la rivière Yamaska.
On voit les policiers l'avertir, lui dire qu'il doit partir, puis les services municipaux démantèlent son abri et jettent dans un conteneur tous les objets qu'il avait ramassés : des chaises, des tables, des couvertures.
Mais surtout, on voit un homme qui, avec toujours plus de conviction, recommence et reconstruit son campement, jour après jour. Il a reçu de nombreuses amendes pour s'être installé près de la rivière, il a même fait de la prison. Il dérangeait la Ville, les élus. On l'entend aussi prendre la parole lors d’une séance du conseil municipal pour dénoncer le harcèlement dont il fait l'objet. Les conseillers sont mal à l'aise en raison de son intervention longue, trop longue, et, sur le visage du maire, on note une certaine impatience. Il dit d'ailleurs ceci à Jeannot Caron : Je vous écoute depuis sept ou huit minutes, je pense que vous avez un message à passer. Je pense que vous l'avez passé!
Quand j'ai pris contact avec Jeannot Caron, quelques mois plus tard, il avait une fois de plus remporté ses élections et obtenu un deuxième mandat comme conseiller municipal de Saint-Hyacinthe.
Souriant et jovial, Jeannot Caron me donne rendez-vous dans un local de la rue des Cascades, le 1855, au cœur du centre-ville. Le lieu n'a pas été choisi au hasard. Il s'agit d'une galerie d'art, mais pas n'importe laquelle : C'est une galerie d'art communautaire, un OBNL que j'ai mis sur pied il y a sept ans. Les jeunes et les moins jeunes, des professionnels, des amateurs, tout le monde peut venir y peindre, tout le monde est bienvenu, explique cet homme qui a recommencé sa vie à zéro.
Et ce n'est pas tout : cette galerie est située dans un immeuble qui lui appartient, car le conseiller municipal est aussi un homme d'affaires qui possède aujourd’hui plusieurs immeubles à Saint-Hyacinthe. Dans ces édifices, des locaux sont réservés pour des groupes d’entraide. D'ailleurs, à quelques portes de là, la friperie Les Trouvailles de l’Abbé Leclerc a pignon sur rue. Au deuxième étage, Jeannot Caron loue quelques-uns de ses logements à des gens à faible revenu. C'est une façon pour lui d’aider ses concitoyens en difficulté et de redonner au milieu communautaire, qui ne l’a jamais laissé tomber : C’est un des éléments qui font que je suis encore en vie aujourd’hui. Les gens qui sont là, les services qu’ils donnent, ils m’ont aidé à cheminer et à réussir à m'en sortir.
Dans les années 1990, Jeannot Caron possédait une entreprise de construction. Il employait une quinzaine d’employés, puis un incendie a tout détruit. Il n’était pas assuré : J’ai tout perdu. J'ai fait une dépression et je consommais dans ce temps-là : de la boisson, de la cocaïne, j'avais plusieurs dépendances. Pis là, le monde qui me connaissait d’avant me voyait aller. Le marginal de la ville, c’est pas évident. C'était vraiment spécial quand tu regardes ça aujourd’hui. Cette période de sa vie a duré sept ans.