Le mythe de la femme noire : pour aller au-delà de la Jézabel et de la nounou
Radio-Canada
Le documentaire Le mythe de la femme noire, d’Ayana O’Shun, prend l’affiche vendredi au Québec. Au fil d’entrevues avec 21 femmes noires issues de différents milieux, la comédienne et réalisatrice met en lumière trois stéréotypes tenaces entourant la femme noire : l’hypersexuelle Jézabel, la nounou qui prend soin des autres et la femme noire en colère.
Il s’agit d’un deuxième long métrage documentaire pour Ayana O’Shun, que l’on a pu voir dans plusieurs productions québécoises comme 30 vies ou La chute de l’empire américain, ainsi qu’aux États-Unis dans des films comme Le jour d’après (The Day After Tomorrow) ou Sur la route (On The Road).
Après s’être intéressée à l’incendie de Montréal de 1734 et à la figure de l’esclave Marie-Josèphe-Angélique dans Les mains noires, la jeune comédienne a voulu mettre à l’épreuve les stéréotypes envers les femmes noires qu’elle a elle-même observés au fil de sa carrière.
Ça fait une dizaine d’années que je pense à faire ce film. Souvent, les rôles pour lesquels on me demandait d’auditionner correspondaient à un type de rôles très particuliers, stéréotypés, explique Ayana O’Shun, qui a vite fait de confirmer la tendance auprès de ses collègues comédiennes racisées.
J’ai fait ce film-là d’abord et avant tout pour l’adolescente que j’ai été, et qui aurait voulu avoir ces discours et ces représentations. Parce que moi en grandissant, des femmes qui parlent comme ça, je n’en ai pas eu.
Le stéréotype de Jézabel, le premier abordé dans le documentaire, remonterait au 16e siècle et découlerait directement du colonialisme et de l’esclavage, selon Agnès Berthelot-Raffard, docteure en philosophie et professeure à l’Université de York, l’une des femmes interviewées par Ayana O’Shun.
Le cliché dépeint la femme noire comme une femme lascive ayant un appétit sexuel insatiable – c’est la tigresse, l’effeuilleuse de cabaret ou encore la Foxy Brown de Pam Grier, vedette des films de blaxploitation, qui se fait passer pour une prostituer afin de venger la mort de son copain.
C’est le stéréotype de la femme noire hypersexuelle. Jézabel est un personnage qui vient de la Bible. C’est une femme dans l’Ancien Testament qui avait détourné le roi d’Israël pour qu’il adore ses propres dieux à elle. Le terme est resté pour décrire une femme qui utilise ses atouts sexuels pour détourner les hommes du droit chemin, explique Ayana O’Shun.
Les stéréotypes se sont popularisés à cette époque-là, pour justifier l’esclavage et la manière de traiter les femmes esclaves. […] C’était une manière de pouvoir les violer sans se sentir mal, parce qu’elles l’ont cherché.