Illusions à la frontière américaine
Radio-Canada
La frontière entre le Mexique et les États-Unis est l’objet de beaucoup d’espoirs et de craintes. De vieilles réalités ont été ranimées ces derniers jours avec l’expiration du « Titre 42 ». L’introduction de nouvelles règles rappelle que cette mythique frontière est aussi la source de beaucoup d’illusions.
Une mauvaise odeur se dégage aux limites de Ciudad Juarez, à la frontière avec les États-Unis. Ici, le Rio Bravo n’est qu’une mince rivière. Ce qui coule dans son lit est d’un vert opaque qui évoque une soupe toxique où flottent des déchets de plastique.
Cet étrange cours d’eau délimite le Mexique et les États-Unis. Il se franchit en sautillant d’une pierre à l’autre. Trois ou quatre bonds vers le nord. Vers la terre rêvée.
Or, cette facilité n’est qu’illusion. Du barbelé se dresse juste devant, tout brillant et chauffé par le soleil du désert texan. Cent mètres plus loin, un immense mur de métal brun rouillé bloque le passage, donc le rêve américain.
Ce trajet, des milliers de gens l’ont emprunté au cours des derniers jours. Devant ce mur qui freine leur élan, ils ont patienté sous un puissant soleil, endurant les froides nuits sans protection. S’abreuvant à leurs rêves, se réchauffant de leurs espoirs.
C’est de la folie! lance Rafael, le visage dégoulinant de sueur. Il revient du seul dépanneur accessible à pied avec de l’eau et des collations pour sa femme et ses trois enfants. On n’a rien, c’est dur, admet-il. Plus rien, sauf ce désir d’aller de l’autre côté du mur.
Rafael dit patienter depuis huit jours sur ce bout de désert devenu salle d’attente. Il attend qu’une porte s’ouvre dans ce mur. Que les agents frontaliers lui donnent l’occasion de réclamer sa part de rêve.
Le Vénézuélien montre ses sandales de plastique usées, trouées. La preuve d’un nombre incalculable de kilomètres franchis à pied. Il repart vers la porte fermée dans le mur de métal, convaincu que sa volonté de travailler dur suffira à se faire inviter à rester aux États-Unis.
Ces derniers jours, des milliers de migrants au parcours similaire ont été refoulés au Mexique, renvoyés par avion dans leur pays d’origine. L’absence d’emplois payants ainsi que l'omniprésence de la corruption et de la violence ne sont pas toujours des motifs valables pour obtenir l’asile ailleurs.
