En aval de Muskrat Falls, un village craint pour son avenir
Radio-Canada
« Les gens sont ici depuis 200 ans et ça ne leur était jamais arrivé », raconte Watson Rumbolt, les larmes aux yeux. Ce résident de Mud Lake, au Labrador, est encore submergé d’émotions six ans après les inondations qui ont dévasté son village.
Le 17 mai 2017, quelques mois seulement après l’inondation du réservoir du barrage hydroélectrique de Muskrat Falls, à 40 kilomètres à l’ouest, le niveau du fleuve Churchill a soudainement augmenté, explique-t-il.
Plus d'un mètre d’eau et de glace s'est invité dans les maisons de Mud Lake, une communauté de 40 personnes uniquement accessible par motoneige pendant l’hiver. Une octogénaire a dû patauger dans la boue glaciale pour se sauver. Chez les Rumbolt, le congélateur flottait dans le sous-sol.
Watson Rumbolt a été le dernier résident évacué par hélicoptère.
« J’ai dû barrer ma porte. J'ai regardé autour de moi. […] J'avais travaillé 35 ans pour ce que j'avais. Ne plus savoir ce que j'allais retrouver en revenant ici, c'était déchirant. »
Mud Lake s’en est remis, en partie. Des planchers gondolés ont été réparés. Des fenêtres et des portes remplacées. Mais certaines maisons sont des pertes totales, des monuments à une catastrophe évitable, selon Watson Rumbolt. Six ans plus tard, il est encore amer – et cherche encore à être indemnisé.
Au nom des résidents, un recours collectif a été intenté en 2017 contre le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et Nalcor Energy, la société de la Couronne responsable du projet de Muskrat Falls. Ces derniers nient toute responsabilité.
Les résidents ne poursuivent plus le gouvernement, en vertu d’un jugement rendu en 2019, mais la cause contre Nalcor continue. Et le processus se révèle péniblement long, selon plusieurs résidents interviewés par Radio-Canada.
Hydro Terre-Neuve-et-Labrador, qui a été fusionnée avec Nalcor après des années de scandales entourant le projet de Muskrat Falls, doit encore fournir des millions de pages de documents aux avocats des résidents. Ces derniers devront passer des mois à les analyser avant même de commencer les interrogatoires. La date du procès est loin d’être fixée.