Vivre le territoire à travers l’art
Radio-Canada
Du 10 février au 1er avril, l’exposition Eshi uapatakau ishkueuatsh tshitassinu / Regards de femmes sur le territoire regroupe les œuvres de trois femmes autochtones originaires de Mashteuiatsh à la Galerie de l’UQAM (Université du Québec à Montréal). Au lendemain du vernissage de l’exposition, elles nous font part de leur vision et de leurs réflexions sur leur art ainsi que sur ce que représente pour elles le territoire.
Sonia Robertson, commissaire en art pour des expositions et événements (entre autres), considérait que les artistes de Mashteuiatsh – la seule communauté autochtone du Saguenay–Lac-Saint-Jean – n’étaient pas assez connus dans la capitale de la région, Chicoutimi, comme elle l'a expliqué à l'occasion d’un cercle de partage, soit une discussion ouverte entre les artistes, la poète invitée Joséphine Bacon et le public.
Qui plus est, Chicoutimi, c’est un territoire non cédé innu, souligne-t-elle. Donc, je trouvais qu’il fallait qu’on se rappelle un peu c’est quoi, le territoire, et comment ça marche, le territoire. C’est pour ça que j’ai invité trois femmes artistes que je considère comme de grandes artistes.
Elle a ainsi poussé Soleil Launière, Marie-Andrée Gill et Sophie Kurtness à se questionner sur ce que représente le territoire, découvrir qui l'habite, le revisiter elles-mêmes et tenter de transmettre ces réflexions à travers leur art.
Pour Soleil Launière, artiste multidisciplinaire qui vit maintenant à Montréal, c’était l’occasion non seulement d’aller passer tout un mois sur sa terre natale, mais aussi de sortir de sa zone de confort : Quand je suis arrivée, Sonia m’a donné la liberté totale, mais je ne voulais pas faire une performance, je ne voulais pas mettre mon corps dans l’installation du Lobe; je voulais laisser des traces autrement.
Elle est donc partie à la découverte des montagnes, où elle a marché pendant des heures.
« Je suis allée sur la terre, j’ai écouté les signes : les corbeaux qui m’ont guidée tout le long. Ils m’ont guidée à mon bois qui est dans l’installation. J’ai marché, je l’ai trouvé, je l’ai rapporté avec moi. »
La poète Marie-Andrée Gill a quant à elle voulu illustrer sa capacité à retourner sur son territoire par l’imaginaire. Au début, j’écrivais plus sur la réserve, un endroit clos, explique-t-elle. J’étais partie de ma communauté et on dirait que je n’étais pas bien avec ça, mais je me suis rendu compte que le territoire couvre vraiment un grand espace. Ça m’a pris du temps à comprendre et à intégrer ça, que je pouvais me sentir chez nous de façon plus large.
Elle a donc imaginé l’histoire de Céline, une jeune femme innue qui a quitté sa communauté pour devenir chanteuse, mais qui, après quelques échecs, y revient et y rencontre l’amour. L’histoire est racontée à travers des poèmes entièrement conçus avec les mots de la biographie de Céline Dion, écrite par Georges-Hébert Germain en 1997. C’est un accès facile pour tout le monde. J’aime ça quand la porte est grande ouverte et qu'on rentre dedans, et que ce n’est pas compliqué, illustre Marie-Andrée Gill.