Scientifique de l’année de Radio-Canada : l’enfance de l’art
Radio-Canada
Remonter aux origines de l’art et de la culture chez notre espèce… C’est ce qui anime l’archéologue et géochimiste québécois Maxime Aubert, lauréat du prix du Scientifique de l’année 2021 de Radio-Canada.
Les travaux de M. Aubert, professeur à l’Université Griffith, en Australie, ont révélé l’existence, en Indonésie, des plus vieilles peintures figuratives connues. En janvier 2021, il a décrit dans la revue Science Advances (Nouvelle fenêtre) (en anglais), avec ses collègues, l’image d’un sanglier, peinte sur la paroi d’une grotte de l’île de Sulawesi il y a 45 500 ans.
En Asie du Sud-Est, l'homme moderne, il y a au moins 45 500 ans, était capable de faire des peintures très, très sophistiquées, affirme le chercheur, dont les travaux des dernières années ont notamment été publiés dans la revue Nature et classés parmi les 10 découvertes de l’année par la revue Science, non pas une, mais deux fois, en 2014 et en 2020.
Maxime Aubert est originaire de Lévis. Formé en archéologie à l’Université Laval, il s’est ensuite spécialisé en géochimie à l’Institut national de la recherche scientifique. Plus précisément en datation de l’art pariétal, à l’aide de la méthode uranium-thorium.
Le problème à ce moment-là, c'est qu'il y avait un seul prototype de machine qui pouvait traiter de tout petits échantillons et il était à l'Université nationale d'Australie, se souvient M. Aubert. Donc, en fait, j'ai passé tout mon doctorat à l'Université nationale d'Australie à Canberra, et avant que je finisse mon diplôme, ils m'ont offert un emploi là-bas.
La datation à l’uranium-thorium consiste à mesurer la dégradation d’atomes d’uranium en atomes de thorium dans des échantillons de calcite recueillis sur les parois des grottes calcaires qui abritent les peintures. Un peu comme la dégradation à un rythme connu et constant des isotopes de carbone 14 permet d’évaluer l’âge de matières organiques anciennes, la méthode uranium-thorium, plus récente, fournit des âges pour des minerais comme la calcite, qui s’accumule sur les murs des cavernes au fil du temps.
Sur le terrain, j'ai un genre de fraise à dentisterie avec laquelle je coupe un échantillon [sur une peinture, NDLR], et ensuite, au laboratoire, je le divise en trois ou quatre sous-échantillons. Le sous-échantillon qui est le plus près de la couche de peinture, c'est le plus vieux, et ça devient plus jeune en remontant vers la surface; donc cet échantillon-là qui est le plus près de la couche de peinture nous donne la date minimum de l’œuvre, explique l’archéologue.
Alors qu’il étudie l’art pariétal du nord de l’Australie, en 2012, un collègue archéologue, Adam Brumm, lui propose de l’accompagner en Indonésie, où il fouille le sol de grottes décorées de peintures.
L’archipel indonésien regorge de peintures rupestres. Rien que dans la péninsule sud-ouest de l’île de Sulawesi, aussi appelée Célèbes, les experts recensent aujourd’hui près de 300 grottes ornées. Plusieurs styles s’y côtoient, mais les plus anciennes représentent souvent des mains en négatif et, plus rarement, des animaux.
