Sanctions contre Moscou : quels sont les intérêts économiques du Canada?
Radio-Canada
Sans remettre en question l’engagement profond du Canada pour la paix et l’arrêt des attaques russes en Ukraine, on ne peut pas sous-estimer les intérêts économiques du pays dans ce conflit. Dans les faits, les sanctions économiques et commerciales contre la Russie pourraient avoir des effets importants sur l’économie canadienne.
Prenez le prix du blé. Il a atteint 12 $ US le boisseau, un record depuis 2008. La Russie est le troisième producteur mondial de blé, derrière la Chine et l’Inde, avec 85 millions de tonnes produites annuellement. Le Canada est le septième producteur avec une contribution de 30 à 35 millions de tonnes de blé par année. L’Ukraine est au neuvième rang avec 26 millions de tonnes.
L’embargo sur les importations de blé de la Russie, le blocage des activités maritimes des navires russes, la suspension des activités dans les ports de Russie et d’Ukraine et l’incapacité probable des agriculteurs ukrainiens de procéder à leurs cultures cette année entraînent, à la fois, une hausse des prix et un marché qui s’ouvre pour le Canada.
Comment remplacer les quelque 100 millions de tonnes de blé de la Russie et de l’Ukraine? Le Canada pourrait-il produire plus et exporter davantage de blé sur la scène mondiale? Avec les prix qui augmentent, les producteurs canadiens pourraient-il être à même d’investir davantage dans leurs cultures et leurs équipements pour augmenter leurs parts de marché?
La hausse des prix du grain, des engrais et de la potasse pourrait aussi profiter à certains producteurs canadiens. En retour, cette inflation pourrait faire mal à d’autres producteurs, qui devront payer beaucoup plus cher pour nourrir les bêtes et faire leurs semences. La facture sera refilée aux consommateurs : les prix des aliments, dans les restaurants et en épicerie, vont augmenter encore davantage.
Le prix de l’aluminium dépasse les 3700 $ US la tonne, un sommet historique. Après la Chine (57 % du marché mondial) et l'Inde (5,5 %), la Russie est le troisième producteur d'aluminium du monde (5,5 %). Le Canada est au quatrième rang (4,8 %).
La Russie est le pays qui exporte la plus grande part de sa production. Cela dit, depuis l’invasion de la Crimée en 2014 et les sanctions économiques imposées en 2018 à Oleg Deripaska, propriétaire de l’entreprise russe Rusal, deuxième producteur d’aluminium de la planète, la part du marché mondial occupée par la Russie dans le secteur de l’aluminium est passée de 25 à 5,5 %.
Et donc, aujourd’hui, on peut présumer qu’on va se rapprocher du zéro éventuellement, parce qu’il est difficile de comprendre comment quelqu’un entreprendrait une relation contractuelle pour acheter du métal russe, a déclaré Jean Simard, président-directeur généralpdg de l’Association de l’aluminium du Canada, à Zone économie jeudi soir.
Ajoutons à cela qu’il faut deux tonnes d’alumine pour fabriquer une tonne d’aluminium. Or, avec l’attaque russe en cours, la raffinerie Nikolaev, dans le sud de l’Ukraine, dont l’alumine est exportée en Russie, est à l’arrêt.