Reprendre le contrôle sur l’anorexie
Radio-Canada
Comme bien des jeunes femmes souffrant d’anorexie, Madelyn Eybergen lutte contre ce trouble depuis le début de l'adolescence. L’an dernier, ses symptômes sont devenus tellement graves que l’athlète de 21 ans a failli devoir mettre un terme à sa carrière sportive.
La jeune femme est membre de l’équipe d’athlétisme de l’Université de Windsor, où elle étudie aussi la kinésiologie. Sa discipline : le saut en hauteur. Toutefois, son trouble alimentaire la poussait à restreindre sévèrement son alimentation, tout en s’entraînant à l’excès, soit jusqu’à quatre heures par jour, sept jours sur sept. Un rythme que son corps ne pouvait plus soutenir.
« J’avais tout le temps froid. Je me blessais constamment. J’ai eu une fracture de stress à mon fémur à force de trop courir. Ça a commencé à affecter mes globules blancs, mes reins et mon foie. »
Au cours des dernières années, la jeune athlète a été hospitalisée à plusieurs reprises. Elle a aussi suivi des psychothérapies, et on lui a prescrit des médicaments pour traiter ses symptômes d’anxiété et de dépression. Toutefois, cela n’a jamais réglé le fond du problème.
Lorsqu’on me donne des outils en thérapie pour essayer de réduire mon anxiété, cela ne fonctionne pas, dit-elle. La seule chose qui aide à la diminuer, c’est de faire mon comportement habituel. Les médicaments contre l’anxiété et la dépression ont aidé à améliorer mon humeur, mais ils ne changent pas mon comportement. Je reste motivée à continuer de faire ce que je fais, mais simplement en étant de meilleure humeur.
Cela illustre les limites des traitements habituels contre les troubles alimentaires. Nous n’avons pas de médicaments qui traitent directement les symptômes des troubles alimentaires, comme c’est le cas, par exemple, pour la dépression, indique la psychiatre torontoise Leora Pinhas, qui suit Madelyn Eybergen depuis deux ans.
« L’anorexie a l’un des plus hauts taux de mortalité en santé mentale, à côté des troubles d’abus de substances. Parmi ceux qui ne guérissent pas, une personne sur dix va en mourir. »
Madelyn Eybergen est bien consciente des conséquences de son trouble alimentaire sur sa vie. Elle veut s’en sortir, mais la simple volonté ne suffit pas. Mes pensées et mes émotions sont toujours en conflit, explique-t-elle. Depuis quelques années, je veux aller mieux, je veux être en santé. Mais mon trouble alimentaire travaille dans la direction opposée.
Derrière les troubles alimentaires se cachent des habitudes très tenaces, comme l’explique la Dre Pinhas. Il y a une partie de notre cerveau qui a une sorte d’autopilote et, chez certains, l’autopilote peut rester bloqué. Alors, quand ils tentent de changer quelque chose, ils sont submergés par l’anxiété. Vous pouvez avoir une discussion avec un patient. Il peut comprendre pourquoi il a besoin de reprendre du poids et de manger. Il est très raisonnable. Mais deux heures plus tard, il peut être devant de la nourriture et être envahi par l’anxiété à l’idée de changer sa routine.