Rapprochement historique et stratégique entre le Japon et la Corée du Sud
Radio-Canada
Malgré les contentieux historiques remontant à l’occupation japonaise en Corée du Sud de 1910 à 1945, les deux pays relancent leurs relations diplomatiques à la vitesse grand V depuis quelques mois.
Le président sud-coréen, Yoon Suk-yeol, encouragé par les États-Unis, a lancé ce rapprochement en raison de la menace nucléaire et balistique nord-coréenne. Il s’est d’ailleurs rendu à Tokyo en mars, puis a eu une rencontre en tête à tête avec le premier ministre japonais, Fumio Kishida, lors du sommet du G7 d’Hiroshima. Les deux hommes se sont aussi vus à Séoul il y a un mois.
Il a fallu 12 ans pour que la diplomatie de la navette reprenne, mais il a fallu moins de deux mois pour que nous fassions tous les deux l'aller-retour, a déclaré le président sud-coréen avant cette réunion le mois dernier. Je pense que cela confirme que les relations entre la Corée du Sud et le Japon, qui viennent d'être relancées, s'accélèrent et continuent de progresser.
Une telle progression que les ministres de la Défense se sont rencontrés et ont entamé un dialogue pour la première fois en plus de trois ans la semaine dernière, en marge du Shangri-la Dialogue de Singapour, grand sommet de la défense asiatique.
La menace nucléaire nord-coréenne demeure la grande préoccupation qui force ce rapprochement. Pyongyang a annoncé l’an dernier avoir simulé une attaque nucléaire contre la Corée du Sud et, en avril, a ajouté avoir testé un nouveau type de missile balistique intercontinental. Des essais nord-coréens récents ont aussi déclenché des alertes au Japon lorsque des missiles ont survolé le territoire nippon.
La nouvelle stratégie de sécurité nationale sud-coréenne insiste sur le besoin de coopération avec le Japon en matière de sécurité et d’économie. Les deux pays ont convenu de partager les données de leurs systèmes de radar en temps réel pour réduire les angles morts face à la Corée du Nord. On est loin du différend sur les radars qui opposait les deux pays il y a cinq ans.
Du côté japonais, la menace hégémonique de la Chine et l’insécurité croissante en Asie du Sud-Est, surtout dans le détroit de Taïwan, forcent ce rapprochement avec la Corée du Sud malgré les intérêts divergents et la compétition existante dans plusieurs domaines économiques.
Le Japon semble plus menacé par les actions chinoises qu’auparavant. Lors des exercices militaires chinois l’an dernier en réaction à la visite à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants américains, un missile balistique chinois s’était échoué près des eaux territoriales japonaises. En janvier, des navires chinois ont pénétré dans ces eaux territoriales près des îles de Senkaku contestées par le Japon, la Chine et Taïwan.
Le Japon va d’ailleurs augmenter ses dépenses militaires de 60 % d’ici cinq ans en réaction à la menace de la Chine, il s’agit de la plus forte augmentation des dépenses militaires nipponnes depuis 1945. Le Japon, officiellement pays pacifique selon sa Constitution, va de plus se doter de capacités de contre-attaque en territoire ennemi.