Rêve olympique : le cycle de reconstruction de Kim Boutin
Radio-Canada
Les larmes de Kim Boutin sur le podium du 500 m aux Jeux de Pyeongchang, en 2018, ont ému des millions de Canadiens. Elles n'avaient toutefois rien de joyeux, bien au contraire.
Au lendemain de sa première médaille olympique, ternie par des menaces de mort reçues sur ses réseaux sociaux de la part de jeunes Coréens, la patineuse ressemblait à tant d’athlètes qui versent des larmes de joie une fois l’objectif atteint. Sauf que l'émotion était tout autre.
C’était des pleurs de détresse, j’avais peur et je n’avais vraiment pas envie d’être là, se remémore Boutin près de quatre ans plus tard. J’ai une photo les mains devant les yeux, et elle est marquante pour moi cette photo-là parce que c’était des larmes de peur. Je regardais ma mère dans la foule, et je voulais juste qu’elle me ramène chez moi.
Ce soir-là, à l’extérieur devant des milliers de personnes, Kim Boutin se sentait extrêmement vulnérable, surtout qu’elle s’imaginait que les faisceaux lumineux pointés vers le podium étaient en fait des viseurs laser d’armes à feu.
Elle venait à peine d’apprendre qu’elle avait été victime de menaces de mort. À sa sortie du podium, Fabien Abejean, le préparateur mental de l’équipe nationale de patinage de vitesse sur courte piste, était là pour elle.
Je la vois dans cet état et avec un visage que je ne lui ai jamais vu, se rappelle Abejean. Je lui ai demandé comment elle allait, elle est venue dans mes bras et elle répétait : “ je ne sais pas, je ne sais pas ”. J’ai compris que ça n’allait pas. C’était anormal après une médaille olympique.
Malgré le choc, Boutin, soutenue et épaulée par ses proches et par la délégation canadienne à Pyeongchang, a conclu sa quinzaine avec deux autres médailles, le bronze au 1000 m et l’argent au 1500 m.
Elle admet aujourd’hui qu’elle a passé le reste des Jeux sur le pilote automatique, comme un robot, en vivant le moins d’émotions possible. Si bien qu’à son retour des Jeux, elle avait du mal à se souvenir de quoi que ce soit.
On me posait des questions sur mes souvenirs des Jeux et je n’en avais pas, ça me faisait mal, confie la patineuse de 26 ans. Je voulais qu’on arrête de m’en parler. C’était la plus belle expérience que je pouvais vivre et mon cerveau l’avait oublié parce qu’il a eu peur.