
Qu’est-ce que le droit au sanctuaire dont s’est prévalu la famille Rodriguez-Flores?
Radio-Canada
Il y a près d'un mois que la famille Rodriguez-Flores, menacée d'expulsion, a trouvé refuge dans l'église unie Plymouth-Trinity à Sherbrooke. Ce retournement de dernière minute a remis sur la sellette le droit au sanctuaire, une pratique peu connue et surtout utilisée dans des cas rarissimes. Pourtant, la notion remonterait aussi loin qu'à l'Antiquité.
Selon Alain Bouchard, chargé de cours à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval, ce principe est le fondement même de toutes les religions. La symbolique est évocatrice, selon lui, puisqu’accueillir l’autre, c’est accueillir Dieu.
Aussi loin qu’on puisse remonter dans l’univers des religions, ça nous ramène au concept d’hospitalité. On retrouve ça dans le judaïsme, le christianisme, l’islam, dans l’hindouisme, dans la tradition sikhe en Inde aussi où l’accueil de l’autre est fondamental. Il donne comme exemple le fait que n'importe quel voyageur dans le nord de l'Inde peut trouver refuge dans un temple pour y passer la nuit.
Il y a une très longue tradition, mais on peut dire que ce fut utilisé sporadiquement à certaines époques, souligne pour sa part Maurice Demers, professeur titulaire au Département d'histoire de l'Université de Sherbrooke. Les Grecs, les Hébreux utilisaient cette pratique. À la période médiévale, il y avait l'abbaye de Westminster qui hébergeait des gens qui cherchaient refuge contre les abus de la justice.
Avec la tradition des pèlerinages vient aussi une croissance de gens cherchant protection, ce qu'ils trouvent dans les églises. Comme l’Église avait un certain pouvoir politique, ça pouvait devenir un lieu où l’autorité politique ne pouvait pas pénétrer pour arrêter un personnage, soutient Alain Bouchard.
La Révolution française va toutefois changer la donne : la révolte du peuple, qui va jeter les bases de la laïcité et mettre fin aux privilèges de l'Église, va mettre un terme à cet interdit de pénétrer dans un lieu de culte.
« Quand les Églises avaient un réel pouvoir, elles avaient un pouvoir qui pouvait déborder de ce que l'État pouvait revendiquer. À partir de la Révolution française, c'est quelque chose qui va être de plus en plus marginalisé jusqu'à son retour dans les années 1980. »
Au Canada, les esclaves américains qui fuyaient des conditions de vie atroces vont devenir les premiers réfugiés. On a un premier cas en 1837 avec Solomon Moseby, qui fuyait le Kentucky, et qui s'est réfugié au Canada. La communauté noire l'a accueilli et il a utilisé les églises comme refuge , rapporte Maurice Demers.
Au départ, la notion de refuge était peut-être un peu moins claire, ajoute-t-il. Aujourd'hui, ce sont des réfugiés qui fuient des situations violentes, qui ne veulent pas retourner dans leur pays et qui considèrent avoir reçu un traitement injuste. À la fin du XIXe siècle, il y a eu différents cas. En 1865, John Surratt était accusé d'avoir assassiné le président Lincoln. Il s'était réfugié dans une église catholique. D'autres fuyaient l'obligation de servir dans l'armée.
