Pierre Poiliève comprend-il le travail de la Banque du Canada?
Radio-Canada
La Banque du Canada est une institution qui accomplit un travail essentiel, mais qui est complexe et difficile à comprendre pour le grand public. C’est une organisation énigmatique et froide, qui donne l’impression d’être hermétique et inaccessible. C’est la victime parfaite pour un politicien qui cherche à personnaliser un coupable d’un prétendu déraillement de l’économie.
Pierre Poilièvre, en prenant pour cible la Banque du Canada et son gouverneur Tiff Macklem, applique une recette déjà utilisée par Donald Trump. L’un des grands succès populaires de l’ancien président des États-Unis était de s’en prendre à Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale qu’il avait lui-même nommé.
Il l’a traité d’incompétent, il a déclaré qu’il manquait de vision et il s’est demandé si le président de la Fed n’était pas un plus grand ennemi à son pays que la Chine. Pourquoi a-t-il fait ça? Pour la simple raison qu’il n’était pas d’accord avec sa politique monétaire.
Il souhaitait voir la Réserve fédérale cesser d’augmenter ses taux d’intérêt en 2018, voire de les abaisser. Donald Trump a évoqué la possibilité de congédier Jerome Powell. Rappelez-vous, le président promettait une croissance économique de 4, 5 ou 6 % et la baisse des taux était un moyen de stimuler la hausse du PIBproduit intérieur brut, malgré les impératifs de la politique monétaire de la banque centrale, qui sont le contrôle de l’inflation à 2 % et la recherche du plein emploi.
Pierre Poilièvre marche dans les pas du 45e président des États-Unis en annonçant qu’il congédierait Tiff Macklem s’il devenait premier ministre et qu’il nommerait une personne qui viendrait rétablir une politique monétaire axée sur une faible inflation.
En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a exigé, lui, une baisse des taux d’intérêt de sa banque centrale pour stimuler son économie malgré une inflation qui explose. Le taux directeur a été abaissé de 19 % à 14 % l’automne dernier et l’inflation est aujourd’hui à 70 %.
La banque centrale turque est menottée : le président du pays ne veut pas de hausse de taux et menace de congédier le gouverneur s’il n’applique pas ses directives.
Bien sûr, nous ne sommes pas dans ce cas de figure au Canada. L’inflation approche les 7 %, mais l’économie va bien. La croissance économique est forte, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas, une bonne partie des Canadiens ont pu économiser de l’argent durant la pandémie et la demande est toujours en hausse.
Certes, le travail de Tiff Macklem, comme celui de Jerome Powell aux États-Unis ou d’autres banques centrales dans le monde, est critiqué ces jours-ci par des économistes qui affirment que les banquiers centraux ont trop attendu avant d’augmenter les taux d’intérêt. Il est reproché, par exemple, au gouverneur Macklem d’avoir tardé à reconnaître que l’inflation n’était pas transitoire et qu’il aurait fallu amorcer un resserrement monétaire bien avant 2022.
