Les Russes sous le joug de la censure
Radio-Canada
Deux mois après l’invasion de l’Ukraine, les Russes vivent une période de répression accrue. Propagande, délation et désinformation sont revenues en force, comme au temps de la guerre froide.
Depuis l'adoption, le 4 mars, d’une loi prévoyant jusqu’à 15 ans de prison pour toute personne publiant des informations mensongères sur l’armée, une chape de plomb s’est abattue sur le pays.
La censure militaire a eu des conséquences désastreuses sur la liberté de la presse, souligne Jeanne Cavelier, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de Reporters sans frontières (RSF). La grande majorité des médias indépendants ont été soit bloqués, soit forcés de suspendre leurs activités. Des centaines de journalistes ont quitté le pays ou tentent de le faire.
La presse nationale a été ciblée, mais aussi les médias locaux. RSF rapporte le cas de plusieurs journalistes ou propriétaires de médias qui ont été condamnés pour des articles discréditant l’armée russe et obligés de payer de fortes amendes. C’est le cas notamment de Sergueï Mikhaïlov, de l’hebdomadaire Listok, de Mikhaïl Afanassiev, du journal en ligne Novy Fokus, et de Maria Ponomarenko, du site de nouvelles RusNews, qui risquent plusieurs années de prison.
Plusieurs journalistes ont reçu des amendes ou ont été emprisonnés pour avoir bravé la loi du 4 mars ou celle du 22 mars, qui vise à punir les informations mensongères sur l'action des organes d’État russes à l'étranger. D'autres ont été arrêtés pour avoir couvert des manifestations contre la guerre.
Ces lois permettent d’englober toutes sortes de situations, explique Jeanne Cavelier. Comme toutes les lois qui visent la liberté d'expression en Russie, elles sont extrêmement vagues. Si vous faites un reportage sur la hausse des prix en disant que c'est la conséquence de l'opération spéciale russe en Ukraine, ça peut être considéré comme un discrédit de l'armée russe.
« Tout est soumis à l'interprétation des juges, qui subissent les pressions du pouvoir. C’est la loi de l'arbitraire. »
Plusieurs médias étrangers, dont CNN, le New York Times et Radio-Canada, ont préféré retirer leurs correspondants en Russie pour ne pas les exposer aux poursuites pénales.
Comme les journalistes, les simples citoyens utilisateurs de réseaux sociaux peuvent aussi recevoir une amende ou être emprisonnés pour avoir partagé de l’information qui déplaît aux autorités. Le site russophone Meduza, basé en Lettonie, rapporte ainsi le cas d’un enfant de 11 ans de la région de Volgograd mis en garde à vue pour avoir discrédité l'armée russe sur les réseaux sociaux.