Les entreprises font-elles de l’« avarice-flation »?
Radio-Canada
Les causes de l’inflation sont diverses. La pandémie a causé un dérèglement des chaînes d’approvisionnement, la guerre en Ukraine a fait grimper le prix de l’énergie et l’argent versé par les gouvernements durant la pandémie a aussi créé une demande excédentaire. Mais outre l’inflation, la rapacité des entreprises pourrait-elle aussi expliquer l’explosion des prix affichés?
Aux États-Unis, le phénomène est bien connu, on l’appelle la greedflation. En français, on pourrait traduire le terme par avarice-flation. En bref, il s’agit d’entreprises qui pourraient avoir profité du contexte pour majorer leur prix au-delà de l’augmentation de leurs coûts d’exploitation, ce qui contribue à doper l’inflation.
On peut avoir un doute raisonnable qu’il y a une espèce d’opportunisme de certaines entreprises. Elles se plaignent de la pénurie de main-d'œuvre et de l’augmentation des produits de base, mais on constate qu’elles réussissent très bien dans le contexte, remarque Pierre-Antoine Harvey, chercheur associé à l’Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), lors d’une entrevue avec Radio-Canada.
Le meilleur indicateur de la santé financière des entreprises demeure les profits engendrés. En utilisant les dernières données de Statistique Canada sur le produit intérieur brut (PIB) publiées mardi, l’IRIS constate d’ailleurs que l'accroissement des bénéfices des sociétés se maintient ou augmente depuis 2021.
« Il y a plusieurs secteurs qui s’en sortent très bien dans le contexte, de manière extraordinaire par rapport à ce qu’on a connu lors des 20 dernières années. »
La part des profits des entreprises dans le PIB pour les trois premiers trimestres de 2022 a d’ailleurs atteint un niveau record de 17,4 %, bien plus important que la moyenne des cinq années avant la pandémie où les bénéfices représentaient 13,3 %.
Le secteur de l’alimentation s'est particulièrement fait pointer du doigt lors des derniers mois. Certains ont accusé les épiciers d’avoir maintenu des prix artificiellement élevés et d’avoir profité de la situation au détriment des consommateurs.
D'ailleurs, les marges bénéficiaires du secteur de l’alimentation (qui comprend aussi les dépanneurs) se sont maintenues à 2,9 % lors du dernier trimestre alors qu’elles étaient de 1,2 % entre 2014 et 2019. Selon les calculs de l’IRIS, cela représente un surprofit annuel de 3,3 milliards $.
Dans le secteur de l’alimentation, Loblaws, Costco, Sobey’s, Metro et Walmart contrôlent à eux cinq 60 % du marché canadien. Avec si peu de joueurs, il est facile de prétexter les problèmes d’approvisionnement, les sécheresses ou les coûts de transport pour gonfler les prix sans craindre que la clientèle ne les déserte, constate le chercheur.