Les éducatrices méritent plus que des «mercis»
TVA Nouvelles
La semaine dernière, dans le cadre du mouvement #ParentsPourLesÉducatrices, j’ai témoigné, comme des centaines de parents, que grâce à des éducatrices compétentes et dévouées, j’ai pu m’épanouir professionnellement et contribuer au développement du Québec. Dans mon cas, cela a signifié être députée et ministre, voter des lois et faire des réformes.
Les femmes du Québec sont dans le peloton de tête mondial de la présence sur le marché du travail précisément parce qu’elles peuvent compter sur ce joyau qu’est le réseau des services de garde éducatifs à la petite enfance créé par Pauline Marois et Nicole Léger, et porté par des milliers d’éducatrices donnant le meilleur d’elles-mêmes pour nos tout-petits et pour nous, parents, travailleurs et employeurs du Québec.
La pénurie actuelle de places, qui se chiffre à plus de 51 000, est criante; mais elle en dissimule une autre, tout aussi alarmante : la pénurie d’éducatrices. De l’aveu même de la sous-ministre du ministère de la Famille, de 3000 éducatrices déjà manquantes, ce sont près de 13 000 qui manqueront au Québec d’ici cinq ans, et cela, en ne tenant même pas compte de celles qu’il faudra recruter pour les places supplémentaires que nous espérons voir annoncées et créées pour compléter le réseau.
Alors que le manque de proactivité du gouvernement face à la pénurie d’infirmières nous mène au bord du gouffre dans les hôpitaux, on se serait attendu à ce qu’il agisse avec plus de discernement, et en temps utile, pour éviter d’assister au même scénario catastrophe avec la pénurie d’éducatrices, bien présente depuis le début de son mandat. Il était d’ailleurs assez consternant d’entendre les ministres Lebel et Lacombe plaider soudainement, hier, l’urgence d’agir, d’autant plus que les conventions collectives sont échues depuis plus de 18 mois!
Ce n’est pas comme si tous les signaux n’étaient pas déjà au rouge et que nous ne pressions pas le gouvernement depuis le début de son mandat d’élaborer un plan pour retenir les éducatrices dans le réseau et en attirer de nouvelles. La formation Techniques d’éducation à l’enfance se révèle le diplôme qui mène injustement à la plus faible rémunération parmi les programmes techniques collégiaux.
La situation actuelle est telle que tous les jours, des parents se font demander de garder leurs enfants à la maison parce qu’on manque d’éducatrices pour prendre en charge leur groupe. À Val-d’Or, un CPE n’a pas seulement fermé un groupe, il a fermé une installation complète de 80 places! On aura beau prévoir des places et couper des rubans, ça ne servira à rien si les locaux restent vides, faute d’éducatrices pour accueillir les tout-petits.
Rappelons d’ailleurs que de manière incompréhensible, lors de la première vague de la pandémie, alors que tout fermait, les éducatrices demeurées au front n’ont reçu aucune prime, contrairement à la quasi-totalité des travailleurs œuvrant dans des services jugés essentiels.
Cela a malheureusement démontré à quel point le gouvernement ne reconnaissait pas le rôle central des éducatrices dans notre société et n’a fait qu’augmenter les départs. Il doit cesser de les considérer comme des femmes ayant simplement « la vocation ». Vocation, oui, elles ont. Et, justement, vocation devrait rimer avec bonnes conditions.
Cela signifie un rattrapage salarial massif et la prise en compte des enfants qui ont des besoins particuliers, tout autant que de la complexification de la tâche. Le gouvernement pourra bien faire des effets de toge avec l’offre actuelle et l’appliquer tout de suite, cela représente au total à peine 1,90 $ de plus l’heure pour les éducatrices qui entrent dans la profession.