Le génie de Paul McCartney décortiqué en 900 pages
Radio-Canada
Il est une légende bien vivante et l'année 2021 aura été celle où l'ex-Beatle de 79 ans se sera raconté le plus. Cet été, sur Disney+, il s’est livré dans une série de six entretiens avec le producteur Rick Rubin. Get Back, le documentaire de près de huit heures réalisé par Peter Jackson, est sorti cet automne. Et puis, Paul McCartney a aussi fait l’objet d’un article fleuve du New Yorker, paru dans son édition du 18 octobre.
Avec son livre Paroles et souvenirs de 1956 à aujourd'hui, Sir McCartney a poussé la note encore plus loin en s'entretenant avec le prix Pulitzer de la poésie Paul Muldoon. Il revient sur 154 des quelque 800 chansons qui ont fait sa gloire et sa fortune avec les Beatles, les Wings ou en solo. Il en manque une vaste majorité, mais ce coffret de deux volumes prend des allures d'encyclopédie totalisant plus de 900 pages grand format.
Paul McCartney a toujours refusé d'écrire son autobiographie en partie parce que ses chansons le dévoilent un mot à la fois. Véritable bourreau de travail, comme on le montre Get back, le musicien a toujours pris son processus créatif au sérieux.
Dès l'introduction de son livre, il explique que pour écrire une chanson il faut faire confiance à ses premières impressions car, au début, on ne sait pas vraiment où l'on va. C'est sans doute cette confiance qui l'a poussé à écrire entre autres les classiques Yesterday (1965), Eleanor Rigby (1966), Blackbird (1968), Maybe I'm Amazed (1970), Jet (1973) et Here Today (1982). Dans ces mémoires, les chansons choisies sont présentées en ordre alphabétique, et (non en chronologique) parce que leur création est associée à divers moments, anecdotes et photos rarement publiées.
Tout a commencé avec la chanson I Lost My Little Girl (1956). Pas besoin de s'appeler Sigmund Freud pour deviner que ce morceau est une réaction à la mort de ma mère. Elle est décédée trop tôt, en octobre 1956, à seulement 47 ans, écrit Paul McCartney.
L'image de la mère absente reviendra dans l'œuvre de McCartney, pensons à la création de la chanson Let it Be (1970) : Un jour, j'étais crevé, je me suis endormi : dans un rêve, ma mère est venue me rendre visite [et] m'a dit : "Tout va bien se passer. Accepte qu'il en soit ainsi". (Let it be). Pensons aussi à la chanson Teddy Boy (1970). C'est le terrible sentiment d'abandon que j'éprouve toujours vis-à-vis de ma mère. Teddy peut donc être vu comme une version de moi-même tentant de me consoler tout en donnant l'illusion de consoler ma mère, est-il indiqué dans Paroles et souvenirs de 1956 à aujourd'hui (p.695).
Sir McCartney revient aussi sur la pièce In Spite of All the Danger (1958), enregistrée avec The Quarry Men et la seule sur laquelle sont crédités McCartney et Harrison. C'était avant que l'on comprenne les tenants et aboutissants des droits d'auteur ; or une partie de la chanson vient bel et bien de John [Lennon].
La genèse de plusieurs chansons des Beatles est bien sûr au cœur de ce voyage dans le temps. John et moi, nous écrivions nos chansons avec nos deux guitares. Comme je l'ai déjà dit, le plaisir était particulier parce qu'il était droitier et moi gaucher : nous pouvions nous regarder l'un l'autre comme dans un miroir, peut-on lire, au sujet de la chanson Please Please Me.
Pendant près de dix ans, le tandem Lennon-McCartney a créé des chansons qui sont passées à l'histoire. Lorsque le miroir a éclaté, Paul McCartney a sombré dans une profonde dépression et l'assassinat de John Lennon en 1980 lui a inspiré la chanson Here Today (1982).