Le dernier duel de Ridley Scott : désinvisibiliser la femme
Radio-Canada
Si le nouveau film de Ridley Scott se déroule dans la France du 14e siècle, le propos qu’il aborde est universel et intemporel : la délégitimation de la parole féminine dans une société patriarcale. Un sujet particulièrement d’actualité à notre époque imprégnée d’une conscientisation de plus en plus vive concernant le consentement sexuel.
Un texte de Jozef Siroka
Le dernier duel (The Last Duel) marque le retour de la collaboration scénaristique entre Matt Damon et Ben Affleck, qui avaient raflé l’Oscar du meilleur scénario original pour Le destin de Will Hunting il y a 23 ans. La prémisse de leur plus récent projet, a expliqué Damon lors d’une conférence de presse virtuelle samedi dernier, est que le monde des femmes était invisible dans la majeure partie de l’histoire [parce que] les hommes ne prenaient pas la peine d’enregistrer leurs faits et gestes.
Affleck ajoute que le film s’est efforcé de dépeindre les torts qu’ont causé diverses institutions – le clergé, la science, le système de justice, la culture européenne en général – à la condition féminine. Il précise toutefois avoir voulu éviter de présenter cette thématique sous la forme d’un sermon ou d’une dissertation.
Étant donné la nature du sujet, Damon et Affleck ont choisi de s’adjoindre les services d’une femme à la coscénarisation, Nicole Holofcener, qui a réalisé des drames de mœurs prisés comme Enough Said ou Au pays des habitudes.
L’intrigue du film est basée sur des faits historiques. Dans la Normandie de 1386, deux chevaliers se livrent à un duel judiciaire après que l'un, Jean de Carrouges (Matt Damon), ait accusé l'autre, Jacques le Gris (Adam Driver), d'avoir violé son épouse Marguerite de Carrouges (Jodie Comer).
Même si le film contient son lot de batailles spectaculaires à grand déploiement, comme nous y a habitué le réalisateur de Gladiateur ou Le Royaume des cieux, il réserve ses accès de violence les plus perturbants à un environnement nettement plus intime qu’un champ de guerre : la chambre à coucher. C’est là que se déroule la scène pivot du film. Une partie de jambes en l’air inoffensive, assure Jacques; une agression sexuelle, rétorque Marguerite. Jean, quant à lui, doit choisir s’il croit la version de son épouse, ou celle de son frère d’armes. Il optera pour la première.