Le Club Vidéo Flash : le David de Sherbrooke contre le Goliath des télévisions payantes
Radio-Canada
Ça a commencé par quelques VHS que Jean-Guy Veilleux louait dans un dépanneur de Magog au début des années 1990. Puis, le département de location de films a tellement grandi que « c'était rendu un club vidéo dans un dépanneur ». Son idée a fait du chemin à un tel point qu'il a vendu des franchises à 150 dépanneurs aux quatre coins du Québec.
La recette du Magogois fonctionnait si bien qu'il a vu plus grand encore : sortir la location de films des endroits où on achetait une pinte de lait, le journal ou un paquet de cigarettes. Je trouvais qu’il manquait d’accessibilité. Il fallait réserver les films trois semaines d’avance. J'ai commencé à ouvrir des clubs vidéo à part entière.
Jean-Guy Veilleux se rappelle avec nostalgie du temps où il pouvait ouvrir deux et parfois même trois clubs vidéo chaque année. Le premier Vidéo Flash était sur la rue Prospect à Sherbrooke. Après, on a ouvert Saint-Hyacinthe, Magog, Windsor, East Angus, Coaticook, Drummondville, Rock Forest... En cinq ans, j'en ai ouvert plusieurs. On avait 17 clubs. On est monté à 125 employés. C'était dans les meilleures années.
Les affaires étaient bonnes. Très bonnes. On comptait entre 10 000 et 13 000 films dans chacun des clubs de l'homme d'affaires. Quand Men in Black est sorti, on en avait entre 100 et 150 copies par club vidéo. Jurassic Park, c'était pareil. On les louait tous! Je donnais un défi à mes employés de tous les louer. Ils m’appelaient à 23 h le soir pour me dire qu’ils avaient réussi, se souvient-il en souriant.
« Dans les bonnes années, il y avait plus de 5000 membres par club. On pouvait louer 2000 films par jour. Aujourd'hui? On ne parle même pas de 20 % de ça. Je n'aurais pas pensé ça pantoute, mais c'est arrivé. »
Pour arriver à remplir les coffres de l'entreprise, il fallait tout de même que les dvd ne restent pas trop longtemps sur les tablettes. Dans le temps, 97 % des films nous coûtaient 100 $. Il fallait les louer plusieurs fois pour les rentabiliser, soit 25, 30 fois minimum et ça, c’était juste pour les payer. Après, on commençait à faire de l’argent. Des fois, on pouvait le louer 150 fois. Après, il y avait le marché de la revente. Les gens attendaient après pour les acheter. Ça ne fait pas bien, bien des années que ce n’est plus de même, se désole-t-il.
S'il y avait un secteur où les ados se bousculaient pour travailler, c'était celui des clubs vidéo. Jamais M. Veilleux n'a connu de problème de pénurie de main-d'œuvre au cours des 30 dernières années. Les étudiants voulaient tous travailler dans les clubs vidéo, dit-il en riant. Le monde aimait ça. Ils écoutaient des films. On ne leur chargeait pas.
Puis, Netflix est arrivé dans le portrait avec les Illico, Disney +, Prime Video et les autres. Jusque dans les années 2010, c’était très bon. On était en augmentation. On a atteint un pic et les télévisions payantes sont arrivées. Après, tu pouvais louer un film à la télé. Ça nous grugeait de la clientèle. Tranquillement, le chiffre d’affaires baissait. On a arrêté d’ouvrir des clubs vidéo. C’est là que j’ai commencé à investir dans l’immobilier et que j'ai commencé à fermer des clubs. C'était en 2013.
Et c'est d'ailleurs parce que Jean-Guy Veilleux était propriétaire des bâtisses qui abritaient ses deux derniers clubs vidéo, situés sur la 12e Avenue Nord et sur la rue de Gilbraltar, dans le secteur Rock Forest, qu'il a pu continuer à louer des films aux amateurs sherbrookois. Je n'étais pas assujetti à des augmentations de loyer, entre autres.