La patate chaude de la santé mentale
TVA Nouvelles
Si l’exode des psychologues du réseau public vers le privé fait couler beaucoup d’encre ces dernières années, l’exode des travailleuses et travailleurs communautaires en santé mentale vers le réseau public mériterait tout autant de faire l’objet d’une préoccupation médiatique et politique. Le jeu de chaises musicales des professionnel.les de la santé mentale se joue en parallèle d’un autre jeu tout aussi inquiétant: quand on laisse se dégrader la santé mentale des intervenant.es sociaux, on joue à la patate chaude avec la santé mentale de tous les Québécoises et Québécois!
Étouffé par la crise sanitaire et le manque de personnel spécialisé en santé mentale, le réseau public est contraint de faire du délestage. Les ruptures de services dans le réseau ont pour effet direct de créer une hausse de la demande auprès des organismes communautaires en santé mentale. Or, ces organismes déjà largement débordés voient depuis deux ans leurs travailleuses et travailleurs partir vers le réseau public. Le délestage du réseau public se double d’un délestage dans le réseau communautaire. Ce jeu de la patate chaude entraîne des conséquences majeures et potentiellement irréversibles pour les personnes vivant avec des enjeux de santé mentale et leurs proches.
Ultimement, c’est la qualité de vie de l’ensemble des Québécoises et Québécois qui écope. Hausse de la détresse psychologique, hausse des appels à l’aide dans les centres de prévention du suicide, hausse de l’itinérance, crise des opioïdes, isolement et dépression, etc. Tout cela a un coût social et économique réel, avec au premier rang la fuite des ressources financières publiques vers le privé, beaucoup plus dispendieux que le réseau public, lui-même déjà beaucoup plus coûteux que le réseau communautaire.
Pour colmater, il faut réinvestir non seulement dans le réseau public, mais sur l’ensemble du continuum de services en santé mentale, à commencer par le secteur communautaire, depuis trop longtemps surutilisé et sous-financé. Il faut surtout arrêter de jouer avec la santé mentale de nos intervenant.es psychosociaux et de tous nos travailleurs.euses !
Les 30 organismes communautaires en santé mentale de la Mauricie et du Centre-du-Québec lançaient hier le mouvement Le choix impossible. Ce choix impossible, c’est la situation dans laquelle se trouvent nos travailleuses et travailleurs lorsqu’elles ou ils ont à choisir entre briser les relations d’aide qu’ils ont bâties avec leurs client.es, ou renoncer au salaire et aux avantages sociaux du réseau public qui leur permettrait de sortir de la précarité économique.
Coup sur coup, la crise sanitaire et la pénurie de main-d’œuvre ont eu pour effet que 40% de nos employé.es ont quitté leur emploi dans les deux dernières années, créant un trou béant dans le filet social de la santé mentale de nos régions. Ces mêmes employés, qui affirment pourtant adorer leur emploi dans le communautaire, sont souvent tentés de joindre les rangs du réseau public.
Face à ce dilemme cornélien, les 30 membres du regroupement des organismes de base en santé mentale (ROBSM 04-17) se sont engagés de façon solidaire à augmenter considérablement les salaires et améliorer les conditions de travail de leurs employé.es. Ce mouvement ira de l’avant contre vents et marées, c’est-à-dire, malgré les déficits et délestages de services que ces hausses entraîneront dans nos organismes et auprès de nos clientèles.
Le gouvernement de la CAQ annonçait récemment un investissement de 1,1 milliard dans le communautaire. Un investissement majeur, mais dont la portion dédiée à la santé mentale demeure minime. Pour que les organismes des régions 04-17 puissent survivre et accomplir leur mission, il faudra une réponse spécifique à la hauteur de la situation critique dans laquelle nous sommes plongés. Nous demandons un doublement de notre financement à la mission et nous demandons la mise en place d’une cellule de crise en santé mentale pour la région 04-17. Et surtout, il faudra que cette réponse ne se fasse pas attendre. À notre tour, nous sonnons une alarme déjà allumée par nos collègues de la Coalition des psychologues du réseau public québécois. Oui, il y a urgence d’agir!
Quand les organismes communautaires lâchent la patate chaude de la santé mentale, il n’y a plus personne pour l’attraper, elle tombe entre les mains de l’entourage ou du voisinage et, trop souvent, elle tombe dans la rue.
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