
La haute gastronomie à la sauce torontoise
Radio-Canada
John-Vincent Troiano et son adresse sont l’antithèse de ce qu’on imagine d'un restaurant étoilé. On s’attendrait à voir un chef italien bouillonnant derrière son plan de travail ainsi qu'une équipe tendue et pressée. Or, c'est tout le contraire.
À la tête de son restaurant Frilu, parmi les heureux élus de la première livraison étoilée du Guide Michelin consacré à Toronto, le seul natif de l’Ontario présenty sur la liste a la gestion détendue, à son image. En cette après-midi grisâtre de mars, il nous accueille avec une petite barbe de trois jours, un sourire timide et une poignée franche.
Dans sa cuisine format poche, le chef a réduit son effectif comme on réduirait une sauce : un sous-chef, deux commis, une plongeuse. Et basta cosi. Les échanges sont à peine audibles, la mécanique est huilée et l’esprit ouvert. Je suis toujours preneur des idées de mon équipe, dit-il, conscient qu’il ne peut être l’unique moteur créatif de l’équipe.
La brigade d'Escoffier, calquée sur un modèle militariste, faite de hiérarchie rigide et de chaîne de commandement, toute tournée vers ce chaos organisé qu’une cuisine de haute gastronomie est censée être, a fait long feu chez la nouvelle génération de chefs. La pandémie et le manque de personnel ont toutefois eu raison d'un modèle qui offre plus de respect aux comestibles qu’au personnel.
Pour le chef Troiano, le départ à la campagne a servi de déclic supplémentaire. Installé avec sa femme et associée dans une ferme à Tottenham, au nord-ouest de Toronto, le chef s’est mis au vert et s’y est fait la main encore plus verte.
Ses journées commencent par un tour chez les colocataires. Je nourris les poules et les cochons, puis avec ma femme nous allons faire un tour dans le potager.
C’est de là qu’il tire son inspiration et applique ses leitmotivs : simplicité et qualité du produit. Il confie vouloir donner de la valeur à des produits du quotidien, les sublimer.
La récolte est ensuite amenée dans les cuisines. Les clients mangent des fruits récoltés le jour même, le produit est à son maximum de fraîcheur , affirme le chef. Le reste est acheté dans des marchés fermiers ou chez des fournisseurs exigeants.
Cet hôte généreux va plus loin dans l’expérience client. Dans sa salle à la décoration minimaliste et épurée, c’est service minimum : quatorze couverts, et pas plus de deux tables par heure. On veut que les gens passent un moment privilégié, nous dit-il. Il ne se prive pas de passer entre les tables pour échanger quelques mots avec ses convives.
