
Jardin radio : raconter sa maladie sans se trahir
Radio-Canada
Comment écrire sur la maladie quand on va mieux et qu’on a survécu, sans altérer ce qu’on a vécu? C’est une question que s’est souvent posée Charlotte Biron lors de l’écriture de son premier roman, Jardin radio. Celle qui avait 24 ans lorsqu’elle a appris être atteinte d’une tumeur à la mâchoire fait le récit de sa maladie, de son diagnostic à sa convalescence, en passant par la solitude qui l’a envahie et, bien sûr, de la vie qui continue, malgré tout.
L’écrivaine, qui a fait partie de la liste préliminaire du Prix de la nouvelle de Radio-Canada en 2019, le dit d’emblée : elle ne souhaitait pas écrire sur sa tumeur, mais le sujet s’est imposé. Si aujourd’hui elle va bien, elle précise qu’elle a porté une attention particulière pour que son récit n’en soit pas influencé.
[Au début de l’écriture], je me disais qu’écrire sur la maladie n'était pas possible, qu’on se trahissait un peu soi-même quand on va mieux après, que tout est beau, qu’on peut fonctionner normalement, que tout est arrangé. Je ne voulais pas trahir le sentiment qu’on a pendant qu’on est malade.
Elle a entamé l’écriture de ce récit autobiographique dès l’instant où elle est tombée malade, en 2014, sans vraiment s’en rendre compte. J’ai commencé à l’écrire petit à petit à travers l’expérience, en prenant des notes. Après, ça s'est fait vite. En 2019, j’ai rassemblé mes notes, j’ai fait une demande au Conseil des arts et j’ai reçu une bourse.
Prendre un risque
Dans Jardin radio, la narratrice, incapable de bouger et de parler à la suite de ses opérations, trouve dans la radio un certain réconfort, une présence qui remplit l’espace et le temps. Les voix des romancières Catherine Mavrikakis, Fanny Britt et Susan Sontag lui tiennent compagnie, à défaut de ses proches, qui, au fil de ses opérations, se font de plus en plus rares.
C’est d’ailleurs lorsque l'écrivaine écoute Susan Sontag qu’une question lui vient en tête : pourquoi l'Américaine n’aborde-t-elle pas sa maladie publiquement? Ce n’est pas un reproche que je formule à Sontag, assure Charlotte Biron. Je crois qu’on perd une partie de l’expérience humaine quand on décide de ne pas montrer notre vulnérabilité, mais c’est aussi un risque très grand de le faire.
Ce risque, il a un genre et il est féminin, poursuit la chargée de cours en littérature à l’Université de Montréal. Quand tu es une femme et que tu parles de douleur, tu es associée à quelque chose de gémissant, à une voix qui geint, qui se plaint, qui n’est pas littéraire.
Elle a tout de même décidé de prendre ce risque, après s’être beaucoup questionnée sur la part d’expérience qu’elle avait envie de raconter dans son roman. Je pensais beaucoup à une sorte de filiation entre les femmes : les femmes qui racontent leurs histoires, les femmes qui parlent de leur maladie, de leur douleur.
