Jérôme 50 décortique le parler des « jeunes chilleurs » dans un nouveau balado
Radio-Canada
Et si, plutôt que de perdre son français, la nouvelle génération faisait preuve de créativité avec ses vag, wesh, sick, et autres mots qui donnent de l’urticaire aux puristes de la langue? Équipé d’une enregistreuse, d’un dictionnaire et « d’une p’tite beer dans l’sac », Jérôme 50 a arpenté le Québec avec l’ambition de répertorier le parler des « jeunes chilleurs et chilleuses ».
Le chanteur de La hiérarchill, lui-même connu pour son vocabulaire fleuri, dévoile les résultats de sa vaste enquête dans le balado Ainsi soit chill, qui arrive vendredi sur Radio-Canada OHdio. Dans les cinq épisodes d’une vingtaine de minutes, il décortique les tendances et expressions linguistiques en vogue avec l’aide de spécialistes et appuyé par une collection de témoignages glanés aux quatre coins de la province et ailleurs dans la francophonie.
Joint au téléphone, Jérôme 50 raconte qu'il a été interpellé, il y a quelque temps, par une surprenante tendance. Semble-t-il qu’au Québec, la jeune génération ne conjugue plus ses anglicismes. Contrairement au verbe « chiller », un emprunt à l’anglais bien établi qui découle de l’expression to chill (se détendre), struggle, qui signifie avoir des difficultés, ne s'accorde pas au passé dans le langage courant. On ne dit donc pas j’ai « strugglé », mais bien j’ai struggle.
En Acadie, toutefois, c’est tout le contraire. Les jeunes de Moncton peuvent très bien avoir « strugglé » durant leur examen, par exemple.
Jérôme 50 se devait d’enquêter. Il est donc retourné sur les bancs d’école en parallèle de sa carrière de chanteur pour étudier la linguistique. C’est important de documenter l’évolution de la langue, croit-il. La jeune génération doit prendre le relais de ce travail d’archivage.
Son mémoire de maîtrise prend d’ailleurs la forme d’un Dictionnaire chilleur, un ouvrage collaboratif regroupant environ 4000 mots et expressions, et qui a inspiré le balado. N’allez toutefois pas à la recherche de ce mystérieux recueil en librairie : il n’est pas – encore? – accessible au grand public. Il faut que ça reste un peu légendaire, marmonne le musicien, qu’on entend feuilleter un exemplaire boudiné de son dictionnaire.
Peut-on parler d’un nouveau joual, comme celui de Richard Desjardins, l’une des sources d’inspiration de Jérôme 50? Joual, c’est connoté négativement, et moi, j’ai un peu de misère avec joual, qui vient de cheval, répond-il du tac au tac, en rupture avec son calme habituel. On n’est plus la langue du cheval pantoute!
Avec la réalisatrice Catherine-Eve Gadoury, Jérôme 50 a donc entrepris de réaliser un balado direct, c'est-à-dire un travail documentaire qui se démarque par son approche terrain et brute, tel qu'imaginé par le réalisateur Pierre Perreault, pionnier du cinéma direct. On s’est rendus dans les parcs, dans les parkings, dans les partys, dans les bars, sur les balcons d’appartement, énumère-t-il. On voulait vraiment aller dans l’environnement naturel des "chilleurs".
Leurs témoignages, qui sont au cœur du balado, mettent en contexte des expressions que vous avez peut-être entendues ces dernières années.