Hospitalisés « à cause de » ou « avec » la COVID-19 : doit-on faire la distinction?
Radio-Canada
Mardi, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a indiqué que 50 % des quelque 2800 hospitalisations liées à la COVID-19 sont en fait des personnes asymptomatiques qui ont été détectées lors d’un test fait à leur admission. Est-ce une donnée importante à avoir?
Selon la Dre Caroline Quach-Thanh, oui, cette distinction est intéressante à faire. On veut savoir qui est hospitalisé à cause du virus; sinon, on peut surévaluer la morbidité et la virulence du virus. On veut un meilleur portrait des complications liées à la COVID-19, dit la pédiatre microbiologiste-infectiologue au Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine.
La Dre Quach-Thanh ajoute que le haut taux de personnes hospitalisées avec la COVID-19 – donc avec un diagnostic principal autre que la COVID-19 – est signe que la transmission communautaire est encore très élevée.
Le variant Omicron, qui est dominant en ce moment, est 50 % moins virulent que les autres, comme le rappelle Caroline Quach-Thanh. La docteure pointe aussi vers une étude sud-africaine qui estime que lors des vagues précédentes, de 1 à 2 % des cas étaient asymptomatiques; avec Omicron, c’est plutôt de l’ordre de 30 %.
Selon le Dr Gilbert Boucher, président de l'Association des spécialistes en médecine d'urgence du Québec et urgentologue à l'Institut de cardiologie de Montréal, cette statistique est aussi en partie une bonne nouvelle : ça montre que la double vaccination fonctionne. Les personnes [vaccinées] qui ont la COVID-19 ont peu de symptômes. Et la grande majorité de ceux qui sont vaccinés et qui se présentent à l’urgence à cause de symptômes de la COVID-19 n'est pas admise.
Par contre, si Benoit Mâsse, professeur de médecine sociale et préventive à l'École de santé publique de l'Université de Montréal, sait pertinemment qu’il y a une proportion de personnes admises à l’hôpital avec la COVID-19, il se demande pourquoi le chiffre évoqué, 50 %, est à ce point élevé. C'est surprenant qu’une personne sur deux qui est hospitalisée pour une autre raison que la COVID-19 soit infectée [et asymptomatique]. C’est une proportion disproportionnée avec ce que l’on voit dans la population. Ça voudrait dire que le Québec presque en entier serait infecté…, dit-il.
Même son de cloche pour le Dr Alain Vadeboncœur, urgentologue à l’Institut de cardiologie de Montréal. Je me questionne sur la nature même de la donnée, comment elle est calculée, affirme-t-il.
Il précise qu’il est parfois difficile de départager si la raison de l'hospitalisation est liée ou non à la COVID-19. On sait que la COVID-19 cause des complications dans plein de systèmes. Par exemple, une personne âgée tombe, se fracture une jambe et est hospitalisée; on apprend qu’elle a la COVID-19 à son admission. Mais est-ce qu’elle est tombée à cause d’un étourdissement causé par la COVID-19? On ne le sait pas. Les médecins font un jugement.
Benoit Mâsse et le Dr Alain Vadeboncœur ajoutent qu’il faudrait plus de données pour bien comprendre la situation.