
En Ukraine, le combat des livres est déjà gagné
Radio-Canada
Un samedi après-midi triste et pluvieux dans le centre-ville de Kiev. La sirène d’alarme n’a pas retenti dans la ville depuis quelques jours. La petite librairie « Khnyharnia Ye » (« Ici, c’est la librairie ») grouille de monde.
L'affluence est régulière, nous dit le patron, Andrii Reznichenko, qui est aussi le porte-parole de la chaîne de librairies du même nom. Depuis le début de cette guerre, la vente de livres a grimpé dans le pays. Des livres ukrainiens, surtout. Et ceux d’auteurs occidentaux traduits, aussi.
On ne vend pas de livres d’auteurs russes, ici, nous précise le libraire, sourire en coin.
Aujourd’hui, Andrii Reznichenko a invité l’auteure et professeure de littérature Vira Ageeva à prononcer une petite conférence. Son livre, publié en septembre 2021, six mois avant le déclenchement de la guerre, est devenu l'un des plus grands ouvrages à succès du pays et a dû être réimprimé plusieurs fois depuis sa parution. Son titre (traduction libre) : Derrière le rideau de l’empire.
Les clients nous demandent de plus en plus de livres sur l’histoire et l’identité culturelle ukrainiennes, souligne Andrii Reznichenko. Ils adorent ça.
Le bouquin de Vira Ageeva était en quelque sorte prémonitoire. C’est ce qui explique son succès. En exposant l’histoire des luttes des Ukrainiens pour la préservation de leur langue et de leur culture, l’auteure démontre que le voisin russe a cherché pendant des siècles à nier cette existence. Et que cette attitude persiste encore aujourd’hui.
Quand la guerre a éclaté, les gens m’ont dit : "Êtes-vous notre Cassandre? Vous prédisez l’avenir!", nous raconte Vira Ageeva dans un coin feutré de la librairie, à l’issue de sa conférence.
L’analyse de cette spécialiste littéraire sur la rivalité culturelle entre les deux pays voisins est assez radicale. Elle affirme sans sourciller que les Russes n’avaient pas de culture propre avant de s’emparer du territoire ukrainien et de l’occuper, du 17e au 20e siècle.
Ils ont construit leur culture en se basant sur celle des pays voisins conquis, dont l’Ukraine en particulier, soutient-elle. Ils ont ensuite cherché à nous anéantir. Et cela, nous ne l’avons jamais accepté.
