Des architectes au service des victimes ukrainiennes
Radio-Canada
Elle est déracinée, mais a conservé toute sa dignité. Quand on se risque à lui demander son âge, elle répond : « encore très jeune », avec un sourire tremblotant.
Angelina Serhiivna était autrefois cadre supérieure dans une entreprise de cosmétiques. Elle a pris sa retraite il y a très longtemps, mais elle a conservé son penchant pour le maquillage et une grande aisance dans ses relations avec les autres.
C’est cette dernière qualité qui l’aide, dit-elle, à se refaire une vie ici, seule, dans une ancienne école maternelle rénovée, maintenant habitée par plus de 150 personnes, déplacées comme elle.
Sa vie a basculé le 9 mars 2022 quand elle a aperçu, de sa fenêtre, un hélicoptère se poser tout près de sa maison, à Mykolaïv, une ville du sud-est, située entre Odessa et Kherson. Et puis, elle a vu l’étoile rouge sur l’appareil : Je me suis dit : "Ça y est, les Russes débarquent ici." Les bombardements et les coups de feu nourris ont suivi. Elle a réussi à se rendre, seule, dans un abri.
Dans les jours précédents, des membres de sa famille l'avaient suppliée de s’exiler avec eux. Sa sœur est allée en Roumanie, son fils en Italie, ses petits-enfants en Pologne. Angelina voulait rester dans son pays. Et prier pour les soldats ukrainiens.
Après des jours d’attente, elle a fait sa valise, pris son petit chien et s’est rendue à la gare. Elle a pris un train vers l’ouest qui l’a menée ici, à Ivano-Frankivsk.
Dans cette ville du sud-ouest ukrainien, les résidents ont vite compris qu’ils allaient recevoir des visiteurs. Beaucoup de visiteurs. Des gens de tous âges provenant des régions bombardées dans l’est.
Les autorités municipales et régionales ont aménagé en vitesse des dortoirs dans les écoles. Et puis, de manière tout à fait spontanée et inattendue, de jeunes professionnels ont décidé de mettre leurs talents au service de la communauté.
Nous avons compris que la situation deviendrait rapidement invivable dans ces gymnases où les enfants pleurent et courent partout, côtoient des personnes âgées, ébranlées et désorientées. Il fallait trouver de vraies résidences, explique Anna Pashynska, architecte d'Ivano-Frankivsk.