Crise de l’inflation : enceintes, mais le ventre vide
Radio-Canada
Dans le bureau de la nutritionniste Ouardia Zeggane, Astryd*, enceinte de 39 semaines, raconte ses démarches pour obtenir un peu d’argent en prévision de son accouchement qui pourrait survenir à tout moment. Au fil de la discussion, un constat se dégage. Astryd ne mange pas à sa faim.
Au Dispensaire diététique de Montréal, qui vient en aide aux femmes enceintes en situation de pauvreté depuis 1879, le mot inflation ne veut pas dire grand-chose. La plupart de nos clientes sont en mode survie, confie Mme Zeggane en entrevue.
C’est sûr que d’aller voir si la laitue a monté [de prix], ce n’est pas la priorité. Elles sont plus dans : "Est-ce que je vais avoir assez d’aliments pour manger? Je mange deux fois par jour, est-ce que je peux manger trois fois par jour?"
« Elles ne vont pas nécessairement dire : "Ah, l’inflation cette année, c’est sept pour cent", mais on sait que ça les affecte, on le voit. »
Chef de famille monoparentale, Astryd ne pourra pas compter sur quelqu’un pour l’aider à s’alimenter à son retour de l’hôpital. Mais sa nutritionniste est déjà en train de proposer des solutions.
Essaie de cuisiner des choses avec des lentilles, des haricots, des soupes. Quelque chose de consistant que tu congèles et que tu peux consommer dans les premiers jours, conseille-t-elle à sa cliente. Si tu n’as pas cuisiné ou que tu es fatiguée, bois un verre de lait. Ou mange un œuf. Tu peux les faire bouillir et ils peuvent rester une semaine dans le frigidaire. Fais-en sept d’un coup.
Les nutritionnistes du Dispensaire suivent assidûment les habitudes alimentaires de centaines de femmes démunies, souvent des immigrantes réfugiées, en attente d’un statut au Canada. Elles tentent de les aider à consommer suffisamment de protéines et de nutriments pour prévenir la naissance de bébés de faible poids, ce qui pourrait entraîner une série de problèmes de santé pour le nouveau-né.
Le Dispensaire continue de suivre les femmes après leur accouchement. Catherine Labelle, elle aussi nutritionniste, reçoit ainsi dans son bureau un jeune couple, David et Marie*, et leur nouveau-né.
Mme Labelle examine et pèse le bébé, mais s’assure également que ses parents ont suffisamment à manger. David et Marie manquent de tout, mais ça va, assure le père. Les banques alimentaires que la nutritionniste leur a conseillées leur offrent un peu de répit. Mais à la question : Combien de repas mangez-vous par jour?, la réponse de David est plus hésitante. Parfois un, parfois deux, si nous avons [de quoi manger], avoue-t-il.