Après deux ans de pandémie, sommes-nous désensibilisés aux décès liés à la COVID-19?
Radio-Canada
Cette semaine, le monde entame sa troisième année de pandémie de COVID-19. Si plusieurs pays abandonnent les mesures sanitaires, il ne reste pas moins que l’on compte au bas mot 7000 nouveaux décès par jour dans le monde. La population est-elle rendue moins sensible aux milliers de morts causées par cette maladie?
Rappelons que, depuis le début de la pandémie, on rapporte plus de 6 millions de morts dans le monde. En comparaison, chaque année, la grippe tue entre 290 000 et 650 000 personnes.
Et, dans bien des pays, ces chiffres sont largement sous-estimés. Une nouvelle étude parue dans The Lancet (Nouvelle fenêtre) estime que le nombre réel de décès serait de plus de 18 millions. Nos estimations de la surmortalité liée à la COVID-19 suggèrent que l'impact de la pandémie de COVID-19 sur la mortalité a été plus dévastateur que la situation documentée par les statistiques officielles, écrivent les auteurs.
Au Canada, l’influenza tue en moyenne 3500 personnes par année. Depuis le début de cette cinquième vague, qui n’est pas encore terminée, le pays a dénombré environ 7500 décès, dont 2500 seulement au Québec.
Est-ce que le fait d’avoir encore des dizaines de morts par jour est la nouvelle réalité pour le Québec?, a-t-on récemment demandé au Dr Luc Boileau, en conférence de presse. Ça ne devient pas quelque chose que nous souhaitons. Chaque personne qui nous quitte, c'est un affront à tous les efforts qu'on fait. [...] Mais certainement qu'il faut s'attendre à ce que ça continue, et on pourrait avoir encore des décès malgré tous les efforts qui sont faits, a répondu le directeur par intérim de la santé publique du Québec.
Selon Simon Bacon, chercheur en science comportementale médicale à l'Université Concordia, ce type de discours a une influence sur l’attitude des gens vis-à-vis de la situation.
« Je pense que les gouvernements ont abondamment dit qu’il faut accepter qu’il va y avoir des conséquences [à la levée des mesures] et qu’il va y avoir des morts. Quand le gouvernement normalise les décès, ça permet à la population de normaliser ça aussi. »
La Dre Joanne Liu, professeure à l’École de santé des populations et de santé mondiale de l’Université McGill sur les urgences pandémiques et sanitaires, croit pour sa part qu’il est normal que les gens essaient d’oublier ou d’ignorer les hauts taux de décès. C’est une façon – comme lors de toutes sortes de crises (guerres, épidémies) – de normaliser ce qui est anormal. À force d'être tellement exposé [au nombre de morts], ça fait partie du décor.
Si l’humain a une capacité d’adaptation extraordinaire, dit la Dre Liu, il ne faut pas déshumaniser et banaliser ce qui continue de se passer chez nous et ailleurs seulement parce que le public ne veut plus entendre parler de la COVID-19.