Accord Canada-Europe : des tribunaux d’arbitrage toujours contestés
Radio-Canada
L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (connu sous son acronyme AECG) prévoit un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE).
Ce mécanisme qui a très rapidement soulevé des questions au Canada, voire provoqué des manifestations en Europe (surtout en Wallonie), continue d'être une source de préoccupation, notamment chez les groupes écologistes.
En principe, ce mécanisme permet à une entreprise de poursuivre en justice un État lorsque celui-ci vote une loi qui a un impact négatif sur ses profits, actuels ou futurs, de façon discriminatoire.
Selon les détracteurs du RDIE, celui-ci menacerait la démocratie puisqu’il conférerait un pouvoir excessif aux multinationales, qui seraient alors capables de faire barrage à des lois progressistes ou environnementales.
En 2020, par exemple, la société américaine Koch a poursuivi le Canada (Nouvelle fenêtre) pour expropriation indirecte en réaction à une loi ontarienne visant à réduire les émissions de CO2. La société réclame un montant de 30 millions de dollars américains au Canada pour compenser une perte de profits.
Charles Emmanuel Coté, professeur de droit à l’Université Laval, explique que la crainte d’une réclamation peut effectivement avoir pour effet de freiner les ardeurs d’un État d’adopter des mesures environnementales. On appelle ce phénomène le gel ou la frilosité réglementaire. Mais cela est difficile à établir objectivement, nuance le professeur.
Dans le passé, le Canada a fait l’objet d’une vingtaine de poursuites judiciaires, dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain avec les États-Unis et le Mexique (ALENA), souvent à la suite de l’adoption de lois vertes.
Stuart Trew, chercheur au Centre canadien de politiques alternatives, un groupe de réflexion canadien qui suit de près cet accord, estime que le langage du chapitre sur les tribunaux d’arbitrage demeure très vague. L'accord protège les investisseurs de tout traitement inéquitable et injuste, ainsi que de toute expropriation indirecte , des termes qui donnent trop de place à une interprétation d'entrée de jeu favorable aux multinationales, au détriment des lois environnementales.
Inquiète de la légalité de ce mécanisme, la Belgique avait décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne. En 2019, la Cour donne son avis (Nouvelle fenêtre) : le RDIE est bel et bien compatible avec le droit primaire de l’Union européenne.
