«Le projet Riopelle»: des louanges lucides
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Duceppe clôt sa 50e saison avec Le projet Riopelle, nouveau spectacle-événement de Robert Lepage créé pour célébrer le 100e anniversaire de naissance du peintre Jean-Paul Riopelle, qui est venu au monde en octobre 1923, quelques jours avant le fondateur du théâtre situé à la Place des Arts.
Cette pièce d’une durée de plus de quatre heures, incluant deux entractes, retrace la vie de l’artiste, de ses années automatistes auprès de Paul-Émile Borduas à la création de son œuvre-testament, Hommage à Rose Luxemburg, réalisée en mémoire de Joan Mitchell. Jouissant d’une scénographie époustouflante, le spectacle est visuellement très beau, mais ne comble pas tout à fait les attentes.
La peintre, qui a partagé sa vie avec Riopelle durant 25 tumultueuses années, est loin d’avoir été mise au second rang. Interprétée par Noémie O’Farrell dans la première partie du spectacle, qui se déroule dans les années 40 et 50, puis par Anne-Marie Cadieux, qui l’incarne des années 60 à sa mort, Joan Mitchell est cette féministe revendicatrice qui refuse de vivre dans l’ombre de son conjoint.
C’est que Le projet Riopelle est un hommage lucide: l’aspect égocentrique du peintre – qui n’était pas étouffé par l’humilité, disons, et qui prenait volontiers la lumière en dépit de ses collègues – n’est pas occulté, pas plus que son côté coureur de jupons. Françoise Riopelle, Joan Mitchell, Hollis Jeffcoat et Huguette Vachon ont connu des montagnes russes aux côtés de cet homme pas toujours fidèle, mais certainement passionné.
Les histoires amoureuses de Riopelle s’imbriquent dans le large récit de sa vie. On le découvre à l’École du meuble, où il est formé, puis comme cosignataire du manifeste du Refus global. Au Québec, dans ses jeunes années (durant lesquelles il est joué sur scène par Gabriel Lemire, avant d’être incarné par Luc Picard), il fréquente Marcel Barbeau, Fernand Leduc ou encore Muriel Guilbault et Claude Gauvreau, dont les destins tragiques sont abordés de manière frontale.
En France, il fréquente d’autres grands noms tels qu’André Breton, Samuel Beckett et Simone de Beauvoir. Aux États-Unis (une partie du spectacle est en anglais, mais toujours avec des surtitres), il croise la route de Joan Miró. On entend parler tantôt de Jackson Pollock, qui vient pratiquer son légendaire dripping sur scène dans un magnifique tableau composé grâce à des projections, tantôt d’Andy Warhol, dont le pop art séduit peu les expressionnistes. Au-delà de Riopelle, on fait ici le portrait d’une époque, d’une génération d’artistes, dont la trame sonore va de La vie en rose aux Chats sauvages.
La scène va de Montréal à Paris, de Paris à New York, de New York à l’Île-aux-Oies, de l’Île-aux-Oies à Vétheuil. Les très, très nombreux changements de décor permettent de nous transporter à travers toutes ces destinations. Ici, on est dans un atelier, là, on est dans un petit appartement sous les toits.